Tetrakaï - Christophe Huysman - Cie les hommes penchés

TÉTRAKAÏ, spectacle de fin d’études de la 25e promotion du CNAC

 

 

Tétrakaï est le spectacle de fin d’études de la 25e promotion du CNAC, mise en scène par Christophe Huysman assisté d’Angela Laurier, Sylvain Décure et William Vallet (compagnie Les Hommes Penchés) avec Mehdi Azema, Santiago Howard et Philippe Ribeiro au mât chinois, Tamryn Escalante au trapèze, Simon Nyiringabo au trapèze Washington, José Luis Córdova à la corde lisse, Basile Forest (porteur) et Victoria Martinez (voltigeuse) au portique coréen, Frédéri Vernier (porteur) et Justine Berthillot (voltigeuse) aux portés acrobatiques, Andrés Labarca aux équilibres sur les mains et Edouard Doumbia, Iesu Escalante et Issouf Zemani aux acrobaties.

 

Tétrakaï est un mot inventé. En grec « tétra » signifie « quatre » tandis que « kaï » renvoie à la conjonction « et » et à l’adverbe « aussi ». Mais « kaï » est également un terme calligraphique japonais désignant le format A4. Le chiffre 4 est donc inscrit au cœur du titre du spectacle, peut-être parce qu’il s’agit du quatrième projet que Christophe Huysmans mène avec des interprètes de cirque (après Espèces, HUMAN (articulations) et Le Mâtitube) ou bien parce qu’il est signé par quatre Hommes Penchés ou encore parce que la piste est divisée en quatre entrées et sorties, qu’il y a quatre gradins (sous chapiteau) et que quatre grandes tables viennent, à un moment donné, investir l’espace de jeu. On peut aussi penser aux quatre points cardinaux… Beaucoup d’interprétations sont possibles dans la mesure où les créateurs cherchaient justement « un titre qui emmène les spectateurs vers un autre sens lié aux sonorités et que tout le monde puisse s’approprier à sa manière[i] ».

 

Les spectacles de Christophe Huysman sont connus pour brouiller les pistes, notamment en liant cirque, théâtre et littérature. Le spectacle de fin d’études de la 25e promotion du CNAC ne fait pas exception.

 

 

installation technique, Document CNAC, 2017 

 

LE CERCLE D’UN MONDE À (RE)CONSTUIRE

 

Tétatraï commence par une sorte de prologue : alors la piste et les gradins sont plongés dans le noir, quatre boules lumineuses dialoguent entre elles et avec le public. Après avoir salué « le monde agité », elles expliquent qu’elles ont « fondé une société où tout est envisageable ». On pense alors qu’on va assister à l’élaboration d’un nouveau monde, ultra moderne, super technologique… jusqu’à ce que l’une des boules précise que « c’est le processus historique, 200 mille ans d’histoire humaine moderne[ii] » qui va nous être présenté. Le choix du noir et blanc (lumières, costumes, scénographie) renforce cette idée d’un retour en arrière sur notre propre généalogie d’être humain.

 

 

Extrait de la captation Tetrakaï, 2017

 

Une fois que les quatre boules ont chacune roulé vers une des quatre sorties, une lumière très crue éclaire l’ensemble de la piste. Celle-ci a été recouverte d’une sorte de poussière blanchâtre qui ressemble à de la craie et entourée d’une coursive noire. Tétrakaï est un spectacle à la scénographie particulièrement légère, qui fait figure d’exception dans le répertoire des spectacles de Christophe Huysman. Aucun décor n’est présent en scène. À part deux mâts chinois blancs et noirs, aucun agrès fixe n’est installé au plateau. Nous sommes dans un ailleurs non clairement identifié. L’ensemble de ce que nous voyons pourrait représenter l’univers : le disque blanc qu’est la piste serait une planète (la Terre ?) et l’essaim de vingt et un projecteurs installés en hauteur serait un astre (le Soleil ? la Lune ?). Très graphique le plateau de Tétrakaî rappelle la couverture de La vie de Galilée[iii] de Bertolt Brecht chez L’Arche éditeur.

 

          
Extrait de la captation Tetrakaï, 2017

 

Accroché au centre de la piste, entre les différents pôles de projecteurs suspendus en hauteur, on peut apercevoir une grappe de pavillons. Il s’agit du dispositif sonore imaginé par Thibault Hédouin pour Mâtitube. Antoine Herniotte, le créateur sonore de Tétrakaï, a décidé de le reprendre car il s’intègre parfaitement à la scénographie de ce nouveau spectacle et permet une excellente diffusion du son à 360° et en fontaine, c’est-à-dire à la fois vers le centre et vers les murs extérieurs. Cela évite d’introduire une frontière entre la piste et le public, et ce d’autant plus que ce sont majoritairement les bruits de la piste qui sont retransmis, en étant amplifiés et donc dénaturés. Parfois nous entendons des sons d’instruments, mais ce n’est jamais de la musique à proprement parler. Comme les grincements d’agrès, les soupirs des interprètes ou le vacarme d’une course, ces notes éparses sont davantage du côté du désordre chaotique que de la cohérence harmonieuse.

 

 
« Installation sonore, CNAC, Cirque en dur, Châlons-en-Champagne », Document technique CNAC, 2017 
                           
Extrait de la captation Tetrakaï, 2017

 

Alors qu’il aurait pu servir de point d’ancrage voire de guide, le son ne fait que renforcer le sentiment de vacuité et l’atmosphère métaphysique du spectacle. Le public est face à une tabula rasa à partir de laquelle tout est à construire, sans aucun repère pour s’orienter. On ne s’étonnera donc pas que certains personnages aient les yeux bandés tandis que les agrès deviennent parfois des instruments pour prendre la mesure (et donc possession) de cet espace désert. Simples bâtons verticaux, les mâts chinois font souvent figure de gnomons, mais quand les artistes les gravissent ou s’y accrochent ils deviennent aussi des colonnes ou des équerres, pour tâcher d’évaluer l’espace alentour. Quand José Luis Córdova se suspend, la tête en bas, au bout de sa corde lisse, celle-ci devient une sorte de compas. Dans la poussière blanche, des traces de cercles viennent s’ajouter aux empreintes de pas, de chutes, de traînées … qui elles-mêmes se superposent aux diagonales de rubans adhésifs blancs qui strient la piste à intervalles réguliers, comme autant de lignes-frontières. Il est manifestement difficile de trouver sa voix dans un monde qui a déjà été parcouru par d’autres.

 

Extraits de la captation Tetrakaï, 2017

Extrait  de la captation Tetrakaï, 2017
Extrait de la captation Tetrakaï, 2017

 

UN MONDE HABITÉ PAR UNE GALERIE DE PERSONNAGES MARQUÉS PAR LA CHUTE

 

Dans le dossier pédagogique du spectacle[iv], Christophe Huysman explique que « ce choix scénographique radical, qui se limite aux agrès et à la matière brute ouvragée comme un espace dynamique et abstrait contribue à créer un autre rapport à la hauteur, à l’air, à la circulation des interprètes dans l’espace… Tous ces paramètres font du corps la matière première du spectacle à travers laquelle les éléments (lumières, sons, textes…) viennent s’articuler.[v] »

 

Dès les premières minutes du spectacle, le public assiste à un numéro de portique coréen fortement dramatisé. L’accompagnement sonore contribue à faire monter la tension chez les spectateurs.trices : quand Victoria Martinez monte dans les hauteurs de l’agrès, des bruits secs et sourds de percussion évoquent les battements d’un cœur, quand elle se jette dans le vide, des sons prolongés d’instruments à cordes accompagnent ses voltiges. Entre chaque étape du numéro, un silence crée un effet de suspens, pesant. La jeune femme monte de plus en plus haut, de plus en plus près de l’essaim de projecteurs, pour effectuer des figures de plus en plus périlleuses. Alors qu’elle vient de s’élancer depuis la plateforme la plus haute, la lumière s’éteint brusquement pour signifier la chute. On pense alors à Icare, mort d’avoir voulu voler trop près du soleil, figure que l’on retrouve ensuite – de manière plus ténue – dans certains portés acrobatiques réalisée par Justine Berthillot et Frédéri Vernier.

 

Extrait de la captation Tetrakaï, 2017

 

À un autre moment du spectacle, Mehdi Azema – dans la posture canine qu’il a adoptée depuis le début de la représentation – regarde José Luis Córdova se débattre dans les nœuds de sa corde lisse, entre ciel et terre. On pense alors à la figure de Prométhée qui, suite à sa tentative de vol du feu sacré de l’Olympe, s’est fait attacher à un rocher. Chaque jour, un aigle lui mange le foie. Chaque nuit, celui-ci repousse.

 

Extrait de la captation Tetrakaï, 2017

 

Si ces deux déchéances sont d’une violence extrême, Tétrakaï en évoque de plus douces. Le tableau des quatre interprètes se mirant avec attention dans la glace située en face d’eux avant de s’affaisser au sol renvoie les spectateurs.trices à la figure de Narcisse, mort d’être tombé amoureux de son reflet dans l’eau.

 

Extrait de la captation Tetrakaï, 2017

Au-delà des références à la mythologie grecque, Tétrakaï emprunte également des images à la mythologie biblique. Ainsi, à l’issue d’une course poursuite au ralenti avec ses partenaires de jeu, Simon Nyiringabo réussit à atteindre le trapèze Washington sur lequel est posée une pomme rouge. Tant que la pomme est intacte, le trapèze s’envole vers le ciel mais dès que Simon Nyiringabo, croque dedans, l’agrès se met à redescendre vers le sol, où se trouvent ses camarades manifestement prêts à prendre leur revanche. À la fin du spectacle, Simon Nyiringabo n’évoque plus la figure d’Adam déchu du paradis après avoir goûté au fruit défendu, mais celle – tout aussi emblématique – de Jésus. Le dernier tableau de Tétrakaï renvoie en effet à la Cène, soit le dernier repas[vi] que le fils de Dieu prend en compagnie de ses douze apôtres, avant d’être trahi par Judas puis crucifié par Ponce Pilate. Sur la piste de cirque, les quatre tables (ayant servi de miroirs en pied aux Narcisses) sont jointes les uns aux autres et treize chaises sont installées face à face. Mais celle de Simon Nyiringabo reste vide car le jeune homme est debout sur la table puis monte sur le trapèze Washington qui se balance entre les convives, et prend une position qui pourrait rappeler la crucifixion.

 

     
Extrait de la captation Tetrakaï, 2017
Extrait de la captation Tetrakaï, 2017

DES CORPS QUI LUTTENT

 

Dans Tétrakaï tout le monde tombe : Icare, Prométhée, Narcisse, Adam, Jésus, mais aussi un boxeur qui finit à quatre pattes comme un chien, un géant qui s’empêtre dans ses vêtements trop lâches, des militaires qui se font fusiller, les invité.e.s d’un mariage qui se jettent par terre à la fin de la cérémonie, des aveugles qui avaient pourtant cherché à prendre appui l’un sur l’autre… La chute semble être le lot commun de l’humanité. Dans un article consacré au travail de Christophe Huysman, Thomas Cepitelli explique que dans le spectacle qu’il propose « le monde extérieur est […] un piège, un danger, immédiat ou à venir, avec lequel il faut débattre et dans lequel il faut se débattre. Mais, si le combat est rude, il n’est pas forcément perdu d’avance tant Christophe Huysman propose des solutions.[vii] » Et si le plus intéressant ce n’était pas les chutes mais les différentes possibilités de s’en relever ?

 

Dans Tétrakaï si le plafond représente un indéniable pôle d’attraction, la piste dégage une véritable force tellurique. Les acrobates y puisent l’énergie dont ils ont besoin pour réaliser leurs figures. Ainsi, après s’être nourri d’un peu de poussière de piste, tout le corps d’Edouard Dombia se met à trembler comme s’il était en transe. Il fléchit sur ses jambes et s’élance vers l’arrière pour se retrouver sur les mains avant de retomber sur ses pieds. Il semble rebondir sur le sol, comme un ressort. La piste fournit de puissants points d’appui, elle n’est pas seulement une zone de passage. Les deux mâts chinois y sont solidement plantés, sur lesquels Mehdi Azema, Santiago Howard et Philippe Ribeiro se hissent et se laissent tomber, se rattrapant parfois au tout dernier moment. Dans Tetrakai, le rapport à la terre est aussi important que le rapport au ciel. C’est la tension entre les deux – que les trapèzes fixe et Washington rendent particulièrement palpable – qui structure l’ensemble du spectacle.

 

Extrait de la captation Tetrakaï, 2017

 

Puisque la compagnie des Hommes Penchés revendique « une manière d’être au monde – décentrée, attentive aux à-côtés, jamais tout à fait stabilisée[viii] », le spectacle montre des êtres fragiles mais non résignés, très beckettiens dans leur expressionnisme. Tout au long du spectacle Tamryn Escalante campe une mariée à la démarche claudicante, manifestement dépassée par les évènements auxquels elle assiste. Son visage, souvent exagérément grimaçant, traduit également son malaise voire son mal-être. On songe alors à Estragon qui reste près de son arbre à attendre Godot, tout en cherchant à comprendre pourquoi ses souliers lui font si mal aux pieds. Mais, au trois-quarts du spectacle, Tamryn Escalante s’accroche à son trapèze et finit par se défaire de la partie douloureuse de son corps… qui donne d’ailleurs naissance à un personnage proche de la coquette Winnie d’Oh les beaux jours s’enfonçant progressivement dans un mamelon.

 

Extrait de la captation Tetrakaï, 2017

 

La douleur n’est pas une fatalité tragique. Ce n’est pas grave de ne pas toujours se tenir droit, debout, dans une posture stable et digne. En voyant Mehdi Azema tomber au sol puis marcher à quatre pattes comme un chien on pense à Lucky tenu en laisse par Pozzo. Mais pour Mehdi cette bestialité n’est source de souffrance mais d’un plaisir communicatif. Si l’espèce de géant difforme parvient à traverser la piste dans ses habits trop grands, c’est bien que n’importe quel corps – même les plus hors normes – est source de mouvement et de poésie.

 

La chute fait partie de la vie. On peut parfois compter sur quelqu’un pour nous aider à nous redresser, à nous défaire de nos oripeaux et à regarder de nouveau vers l’avant, comme le fait Frédéri Vernier avec Justine Berthillot, après la scène de fusillade. Parfois, c’est en soi qu’on trouve l’énergie nécessaire pour se remettre sur pieds. Les militaires tombés que personne n’est venu chercher se déshabillent eux-mêmes pour passer au tableau suivant. Après être tour à tour tombé.e.s de leurs chaises, les invité.e.s du mariage de Stella et Superman, se relèvent en poussant toutes sortes de cris et quittent la piste en courant dans tous les sens, emportant leurs assises avec eux. Ces multiples réveils ou résurrections[ix] participent au côté burlesque de Tétrakaï  rappelant aux spectateur.trices que tout ça n’est qu’un jeu, que rien n’est figé. Mehdi peut ainsi jouer au chien dompté pendant plusieurs minutes et sortir de piste sur ses deux jambes. On retrouve là un des traits caractéristiques des mises en scène de Christophe Huysman, qui « n’a pas peur de mettre en scène les ²blancs² de ces corps, c’est-à-dire ces instants où tout exploit est mis en suspens pour laisser place à une présence[x] ».

 

Extrait de la captation Tetrakaï, 2017
Extrait de la captation Tetrakaï, 2017

 

DES GESTES VOCAUX

 

Dans le champ du cirque contemporain, Christophe Huysman est également connu pour faire parler les circassien.ne.s. « En utilisant également, avec la même précision, une intacte exigence, les corps et les agrès, les corps sur les agrès et les mots, Christophe Huysman ne les hiérarchise pas.[xi] » Pour Tétrakaï le travail vocal que Chantal Jannelle a mené avec les étudiant.e.s de la 25e promotion du CNAC a consisté avant tout à « leur donner confiance en leur capacité à porter une parole » en leur montrant « comment la voix qui passe par le corps, ce ²geste vocal² les concernant directement[xii] ».

 

Dans Tétrakaï , les premières phrases que nous entendons ne sont pas prononcées par des êtres humains mais proviennent des boules lumineuses. Elles sont atones, mécaniques et se mettent rapidement à buguer. On ne saurait parler de « geste vocal ». À l’inverse, quand Mehdi entre en piste on a l’impression de voir « la parole monter de lui, être comme son alcool qui s’en va ; toutes les paroles monter, qui montent, comme une fumée qui sort des hommes[xiii] », pour parler comme Novarina. Dans un premier temps, ce sont des soupirs, des râles, des cris qui s’échappent des bouches des circassien.ne.s. Tout au long du spectacle, nous allons assister à l’acquisition du langage puis à la maîtrise de la langue, sans que le lien avec le corps ne soit jamais rompu.

 

À certains moments, les artistes sont libres d’improviser le texte qu’ils ou elles souhaitent. Ainsi pour le tableau « Faîtes l’amour en chiens de faïence », le livret du spectacle indique : « Je marche sur une route avec mes pieds (improvisation) Je marche sur des pieds // des papa poules // des œufs // Je marche sur la pointe des pieds je tombe souvent (improvisations) // sur des pentes // des mauvais pas // des petits enfants et des pas petits // des bassecours d’envieux. (improvisations avec et selon le public)[xiv] ». Le jour où le spectacle a été filmé, il apparaît clairement que dans ces moments de liberté, le corps nourrit le texte tout comme le texte nourrit le corps. Quand Mehdi annonce qu’il « marche sur des parallélépipèdes » puis « sur de la merde » on a l’impression de le voir se couper les pieds sur les tranches acérées de la figure géométrique en question, puis glisser sans vergogne sur de la matière fécale. De la même manière, même si nous ne comprenons pas ce que nous dit Edouard Doumbia – puisqu’il s’agit d’une langue inventée – nous adhérons à sa proposition car son implication vocale et corporelle est telle que cela nous parle, c’est-à-dire que nous sommes en mesure de nous raconter une histoire.

 

Parfois, la parole apparaît même comme un flux vital qui traverse les corps pour leur permettre de vivre. Après que les Narcisses sont tombés au sol, les miroirs dans lesquels ils s’admiraient sont renversés pour devenir des tables de dissection/manipulation. Des hommes aux habits noirs et aux gants jaunes font faire toutes sortes de mouvements à celles et ceux qui ne sont désormais rien d’autre que des marionnettes amorphes. Cependant, au bout de quelques minutes, ils se mettent à émettre des sons, de plus en plus fort et à un rythme de plus en plus rapide. À partir de ce moment-là, les corps qui semblaient vidés de leur substance deviennent plus dynamiques, retrouvent de l’énergie et échappent en partie au contrôle des manipulateurs, qui finissent par abandonner leur tâche. Plus tard, c’est en s’aidant des mots (« Oui // Non // Oh non merci // Non merci vraiment // Humpf // Non ! // Merci bien ! // Non mais ! // Waouw // Tralala // Mouai mais // Bon //Je cherche à comprendre aussi comment hum // Comment ça ? //Se passe ? / Non ça juste // [xv]») que les invité.e.s du mariage de Superman et Stella se remettre progressivement sur pieds.

 

Dans le dossier de diffusion du spectacle, Christophe Huysman explique qu’il a « souhaité être dans le vide dès le départ, créer du vide qui permette de jouer : pas de musique, un minimum d'objets, des tentatives tous azimuts de prises de paroles. Offrir l'arme de la parole, de la voix, c'est considérer un corps comme une entièreté, pas une série de fonctions morcelées. Cela permet à chaque artiste sur scène de jouer avec autre chose que le reflet d'eux-mêmes, d'être des individus articulés capables de créer du sens[xvi] ». Ainsi, au fur à mesure du spectacle, en cohérence avec ce que racontent la scénographie et les corps, la parole est source de réflexion d’ordre métaphysique. Bien que burlesque, c’est un questionnement sur l’identité que propose Medhi (que le public a identifié depuis le début du spectacle comme Kiki le chien) dans le tableau « devenir un autre » lorsqu’il demande : « Qui je suis ? Je suis qui ? Notez la difficulté : très facile, facile-moyen, ça se corse, difficile. Qui suis-je ? Kiki…[xvii] ». Les spectateurs/trices repensent alors au prologue des quatre boules lumineuses. Parfaitement identiques, rien ne permettait de les distinguer. Quand l’une disait « bonjour c’est moi » l’autre répondait « moi aussi c’est moi[xviii] »… Dans Tétrakaï l’articulation entre corps singulier et parole personnelle semble au fondement d’identités individuelles. Les mots ne prennent sens qu’en tenant compte du corps qui les profère. Quand Christophe Huysman explique qu’avec ce spectacle, il cherchait « un titre qui emmène les spectateurs vers un autre sens lié aux sonorités et que tout le monde puisse s’approprier à sa manière », on repense aux mots de Novarina pour qui « le sens, c’est le mouvement des appels d’air dans le texte. Sa respiration. Pulsif. S’agit plus d’un sens (« aller vers ») mais d’un va et vient[xix] ».

 

 

Marie ASTIER

 

L'équipe artistique et technique

 Mise en scène Christophe Huysman - Collaborations artistiques Angela Laurier, Sylvain Décure et William Valet - Création lumière Annie Leuridan - Création son Antoine Herniotte - Création Costumes Mélinda Mouslim - Travail sur la voix Chantal Jannelle - Textes et Scénographie Christophe Huysman - Constructions Le service technique du Cnac - Balles motorisées Sylvain Garnavault - Régie générale, Chef monteur chapiteau Julien Mugica - Régie plateau, Monteur chapiteau Jacques Girier - Régie lumière Vincent Griffaut - Régie son Antoine Herniotte / Samuel Gamet

 

 

Conduite lumière,  Document technique CNAC, 2017 

[i] Entretien avec Christophe Huysman réalisé par Cyril Thomas - septembre 2013, p. 17 du dossier pédagogique.

[ii] Dossier de diffusion du spectacle, p 7.

[iii] Un tableau du spectacle est d’ailleurs nommé « Galilée (l’homme seul avec ce qu’il sait) » (dossier de diffusion du spectacle, p 8).

[iv] Dossier pédagogique n°26 réalisé par Pascal Vey, responsable du service éducatif de la Comète, professeur de lettres, cc théâtre, Arts du cirque.

[v] Entretien avec Christophe Huysman réalisé par Cyril Thomas - septembre 2013, p. 18 du dossier pédagogique.

[vi] Dans le texte du spectacle, ce tableau est d’ailleurs intitulé « le dernier repas » (dossier de diffusion du spectacle, p 11).

[vii] Thomas Cepitelli « Motifs & leitmotivs chez Christophe Huysman » dans Christophe Huysman, Thomas-Louis Cepitelli, Pièces de cirque écrites par Christophe Huysman, Publication Cnac, date, p. 21.

[viii] C’est ainsi que se définit la compagnie sur son site internet : http://www.leshommespenches.com/category/la-compagnie

[ix] On notera d’ailleurs que tout une partie du spectacle est intitulée « Les ressuscités » tandis qu’un tableau s’appelle « les réveils » (dossier de diffusion du spectacle, p 8-9).

[x] Thomas Cepitelli op. cit., p. 20.

[xi] Ibid, p. 19.

[xii] Dossier de diffusion du spectacle, p 4.

[xiii] Valère Novarina, Le Théâtre des paroles, Paris, Éditions P.O.L, 1989, p. 183.

[xiv] Dossier de diffusion du spectacle, p 11.

[xv] Dossier de diffusion du spectacle, p 10.

[xvi] Dossier de diffusion du spectacle, p 2.

[xvii] Dossier de diffusion du spectacle, p 8.

[xviii] Dossier de diffusion du spectacle, p 7.

[xix] Valère Novarina, op. cit., p. 41.

 

 

Publié dans Scénographie

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