Vita Nova - Héla Fattoumi et Eric Lamoureux - 1999

VITA NOVA, spectacle de fin d’études de la 11e promotion du CNAC

 

 

Vita Nova est le spectacle de fin d’études de la 11e promotion du CNAC avec Chloé Duvauchel au fil, David Ferrasse au mât chinois, Gaëtan Levêque au trampoline, Mathieu Prawerman à la jonglerie, Osmar de Souza Pedro aux équilibres, André Mandarino et Luciane Viva Costa aux tissus, Thank Dinh Huynh (porteur) et Vân Anh Lê Trân (voltigeuse) aux portés acrobatiques, Chloé Moglia, Marc Pareti, Marlène Rubinelli-Giordano et Mélissa Von Vépy au trapèze.

 

Crée en décembre 1999, ce spectacle dont le titre pourrait être traduit par « Vie Nouvelle » fait moins référence au prochain changement de millénaire qu’au parcours des étudiant.e.s en scène, qui s’apprêtent à quitter le CNAC après trois ans de formation. « Il a été écrit pour des jeunes qui démarrent leur vie d’artistes et d’adultes. Nous avons voulu rendre la générosité et la vitalité qui leur correspond et leur faire le cadeau d’un spectacle solaire », explique Héla Fattoumi[i] qui co-signe la mise en scène et la chorégraphie du spectacle avec Éric Lamoureux. Les deux artistes se sont rencontrés lors de leurs études dans la filière éducation physique et sportive de l’université Paris Descartes. En 1988, ils fondent la compagnie Fattoumi-Lamoureux et acquièrent rapidement une reconnaissance internationale grâce à Husaïs (prix de la première œuvre au concours international de Bagnolet en 1990) et à Après-midi (prix Nouveaux Talents Danse de la SACD en 1991). Pour Vita Nova, ils s’entourent de personnes avec qui ils ont l’habitude de travailler – l’assistant à la mise en scène et à la chorégraphie Jean-Antoine Bigot est également interprète dans la compagnie, le compositeur-créateur sonore Christophe Séchet, la costumière Sandrine Pelletier, le scénographe Raymond Sarti et le créateur lumières Xavier Lazarini travaillent avec les « Fatlam » depuis 1992 (Miroirs aux alouettes), 1995 (Prélude) et 1996 (Solstice) –  et signent un spectacle hybride, entre cirque et danse.

 

 

 

UNE SCÉNOGRAPHIE HYBRIDE 

 

Couverte d’un tapis de danse jaune bordé de rouge, la piste de Vita Nova ressemble à un soleil rayonnant. Lorsque le spectacle commence, un trapèze, un fil et un mât chinois sont déjà installés. Habillé de bois blanc, le mur-trampoline installé en fond de scène ressemble à un escalier à trois marches. « Et puis on a introduit des objets parce que le cirque c’est aussi le rapport aux objets », explique Éric Lamoureux[ii]. Et en effet, en hauteur, entre les guindes et les câbles, on aperçoit des objets. Comme le mur-trampoline, ils sont composés de bois et d’acier. On distingue une grande échelle de corde, une espèce de plancher courbe, une sorte de tonneau sans fond, un étonnant assemblage de tubes tordus et un piquet en spirale. Au début du spectacle, ces éléments scénographiques signés Raymond Sarti ressemblent surtout à des installations d’art contemporain chargées d’assurer une certaine unité esthétique. Leur forme rappelle cependant certains agrès du cirque traditionnel : le trapèze pour l’échelle de corde voire les tubes tordus, la bascule coréenne pour le plancher courbe, la roue Cyr pour le tonneau sans fond et le mât chinois pour le piquet en spirale.

Et au fur et à mesure du spectacle, ces objets se transforment en véritables supports de jeux – au sens à la fois circassien et enfantin du terme. L’exemple du plancher courbe est particulièrement révélateur. Dans les airs, il dessine une forme lunaire. Sur la piste, il devient successivement un pont, une bascule, un toboggan puis une toupie. Cet objet hybride – entre l’outil, le jouet et l’agrès – n’est pas sans rappeler les trois fauteuils à bascule d’Après-midi, qui permettaient aux interprètes de passer d’un état de corps à un autre.

 

Au-delà de ces imposants agrès suspendus, la piste de Vita Nova est régulièrement investie d’accessoires insolites. Après le prologue du spectacle, une grosse bobine roule sur la scène : un artiste y a enroulé son corps, en lieu et place du câble attendu. Peu de temps après un numéro de jonglage, un grand balai glisse de mains en mains sur la piste. Un mannequin est à l’origine d’un étrange pas de deux. Une grosse quille vient parfois entraver les déplacements de certain.e.s interprètes… C’est alors à Oscyl que l’on songe, même si ce spectacle a été créé 18 après Vita Nova !

 

 

 

 

Fig.1 Héla Fattoumi et Eric Lamoureux, extrait de la captation
Fig.2 Héla Fattoumi et Eric Lamoureu, Après-midi , 1991 courtesy Art Danse Bourgogne. Source de l'image : https://www.paris-art.com/apres-midi
Fig. 3 Héla Fattoumi et Eric Lamoureux, extrait de la captation

 

 

UN RAPPORT CHORÉGRAPHIQUE AUX DISCIPLINES CIRCASSIENNES

 

Créés spécialement pour le spectacle, ces éléments scénographiques permettent aux étudiant.e.s d’expérimenter de nouvelles gestuelles. Tout se passe comme s’ils poursuivaient leurs recherches sur les agrès plus traditionnels. Si certains numéros sont attendus, la façon dont ils sont exécutés l’est beaucoup moins.

Dans Vita Nova, notre perception de l’espace est entièrement bouleversée. C’est au sol que Mathieu Prawerman jongle avec trois massues. C’est sous le fil que cinq étudiantes se placent pour effectuer une chorégraphie collective.

Dans Vita Nova, notre appréhension du collectif est troublée. En début de spectacle Mélissa Von Vépy et Gaétan Lévêque proposent un duo trapèze/trampoline : de part et d’autre de la piste, les balancements de l’un semblent répondre aux rebonds de l’autre. À mi-spectacle, on assiste à un quintet sur trampoline-mur. Après plusieurs rebonds en chœur sur le trampoline, les étudiants se propulsent individuellement sur le mur, où ils s’installent les uns à la suite des autres et les uns à côté des autres. Le dernier a du mal à trouver sa place. Après avoir été divisé en deux entités (quatre d’un côté et un de l’autre), le groupe se reforme : dans un flux continu, les cinq artistes passent du trampoline au mur et du mur au trampoline, avant de se retrouver en ligne devant leur agrès, en fin de numéro. En fin de spectacle, on découvre un trio sur trapèze, véritable innovation circassienne qui ressemble à un bouquet final. Chloé Moglia, Marc Pareti et Marlène Rubinelli-Giordano évoluent entre deux trapèzes en réalisant des figures particulièrement périlleuses ou se balancent à trois sur un trapèze à treize mètres du sol.

 

Le spectre de la chute parcourt l’ensemble du spectacle, traverse les différentes disciplines choisies par les étudiant.e.s comme spécialités. Si elle est intrinsèquement liée au cirque, elle fait également partie du vocabulaire chorégraphique des Fatlam, connus pour leur « danse verticale » composée d’exploits à cinq mètres du sol et d’un leitmitiv gestuel nommé « la crêpe » qui consiste à se retourner et à retomber sur le sol dans une horizontalité parfaite.

 

Fig. 4 Héla Fattoumi et Eric Lamoureux, extrait de la captation
Fig. 5 Héla Fattoumi et Eric Lamoureux, extrait de la captation
Fig. 6 Héla Fattoumi et Eric Lamoureux, extrait de la captation
Fig. 7 Héla Fattoumi et Eric Lamoureux, extrait de la captation

 

 

 

UNE STRUCTURE DE CIRQUE TRADITIONNEL INFLUENCÉE PAR LA DANSE CONTEMPORAINE

 

Pour créer le spectacle de fin d’études de la 11e promotion du CNAC, Eric Lamoureux et Hela Fattoumi se sont appuyés sur la structure du cirque traditionnel (succession de numéros qui montent en puissance au fil du spectacle), mais y ont ajouté leur grain de sel de danseur.se.s  contemporain.e.s. « Dès le début, il n’était pas question de séparer la danse des numéros de cirque. Nous avons essayé de tramer les deux langages pour un produire un autre, inédit[iii] ». Vita Nova commence par une sorte de prologue chorégraphié (à moins qu’il ne s’agisse d’une chorégaphie-prologue). Les treize étudiant.e.s entourent la piste. La lumière et la musique montent progressivement jusqu’à atteindre une intensité qui déclenche le mouvement. Un étudiant entre en courant dans le cercle, il effectue des tours sur lui-même, vient se placer devant certain.e.s de ses camarades qu’il regarde dans les yeux, se suspend un moment au plancher courbe, court sur le mur du trampoline comme s’il s’agissait d’une rampe de lancement, passe sous le fil de fer… Quand il rejoint la ronde, un.e de ses camarades prend sa place sur la piste et propose de nouveaux mouvements, qui lui sont propres. Les solos laissent place à des duos puis à des trios. La musique est très rythmée, les beats sont puissants, l’énergie est communicative. Progressivement, l’intégralité de la promotion investit l’ensemble de l’espace circassien (le sol et les agrès) dans une vitalité joyeuse. Vita Nova peut commencer !

 

Le prologue dansé est marqué par une alternance d’accélérations et de ralentis que l’on retrouve tout au long du spectacle. Avec Vita Nova, Eric Lamoureux et Hela Fatoumi ont amené les étudiant.e.s de la onzième promotion du CNAC à travailler sur leur rapport au rythme et à la prouesse. Si leur spectacle est construit sur une succession de numéro qui montent en puissance, ces numéros ne sont pas sans liens les uns avec les autres et la montée en puissance n’est pas linéaire. Les interprètes s’accordent des moments de pause et de recherche. Sur son fil situé à seulement 1,70m du sol, Chloé Duvauchel hésite à avancer, s’assoit pour réfléchir, essaye de nouvelles figures. « La proximité du sol permet de relier l’acrobatie à la danse. Plus que la performance acrobatique, ce qui m’intéresse c’est de travailler le mouvement[iv] ». Pendant son numéro de fil de fer qui devient danse expressionniste, sept de ses camarades mènent une recherche similaire, au sol. Ils essayent différents enchaînements de mouvements pour passer de la position allongée à la position assise puis debout. Parfois ils tombent et doivent recommencer. La lumière est douce, propice à cette recherche. Un peu plus tard, dans une quasi-pénombre, Luciane Viva Costa s’enroule puis se déroule dans ses tissus aériens, se laisse tomber puis se rattrape… tandis qu’une autre étudiant.e cherche à apprivoiser l’étonnant assemblage de tubes tordus, véritable « agrès non identifié ». Dans Vita Nova, les artistes ne sont pas forcément dans l’éblouissante exécution de ce qu’ils connaissent voire maîtrisent déjà. Ils peuvent solliciter leur corps autrement que dans un but d’efficacité et de rendement. Parfois, ils semblent chercher leur chemin – ou un nouveau chemin. Eric Lamoureux et Hela Fatoumi montrent que ces explorations sont dignes d’intérêt puisque les étudiant.e.s s’observent les un.e.s les autres, parfois de façon discrète depuis un tonneau suspendu dans les airs, un plancher courbe, un mat ou bien une balançoire. Mêmes quand ils se succèdent, les numéros se répondent. Avec Vita Nova, c’est une sorte de chemin de vie qu’Hela Fatoumi et Eric Lamoureux proposent aux spectateurs/trices, une espèce de voyage entre la prouesse et la faiblesse, entre l’énergie et le repos, entre l’enfance et l’âge adulte, entre la solitude et le groupe…

 

 

 

L’HISTOIRE DES RELATIONS ENTRE LE CIRQUE ET LA DANSE ?

 

Si Vita Nova invite au voyage, le spectacle des Fatlam parle aussi d’amour. Dans leur duo trapèze/trampoline, Mélissa Von Vépy et Gaétan Lévêque convoquent des figures d’amants éternels (Pyrame et Thisbé, Tristan et Iseult, Roméo et Juliette…) qui, séparés sur Terre, cherchent à se rejoindre dans les cieux. Lorsque les interprètes s’installent dans des éléments scénographiques suspendus dans les airs, on pense au personnage de Côme dans Le Baron Perché d’Italo Calvino, et à son impossibilité de vivre avec Violette, qui trouve son mode de vie trop excentrique. Posé au sol, le plancher suspendu devient bascule et permet aux corps de se rapprocher et aux premiers émois de naître. Parfois c’est avec un élément scénographique qu’une relation semble s’établir, comme le prouve l’étudiant qui enroule son corps dans une bobine de câble vide, comme s’il s’en emparait amoureusement. Vita Nova expose, par tableaux successifs, la diversité des combinaisons amoureuses, dont certaines peuvent paraître étranges.

 

Fig. 8 Héla Fattoumi et Eric Lamoureux, extrait de la captation

 

 

Peut-être peut-on y lire une métaphore des relations entre cirque et danse, deux disciplines artistiques qui s’attirent autant qu’elles se repoussent. Une chose est sûre, orchestré par Héla Fatoumi et Eric Lamoureux leur mariage a donné naissance à un beau spectacle, qui a fortement marqué les étudiant.e.s qui y ont participé. Lorsque, 18 ans après Vita Nova, Gaëtan Levêque, Chloé Duvauchel, Marlène Rubinelli-Giordano – fondateurs/trices du collectif AOC (Artistes d’Origine Circassienne) – sont appelés à mettre en scène le spectacle de fin d’année de la 18e promotion du CNAC, ils choisissent de l’appeler Vanara, qui sonne comme un écho à leur premier spectacle commun.

 

Marie Astier

 

[i] cité par Ariane Bavelier, Figaroscope.

[ii] cité par Philippe Noisette, Danser, décembre 1999.

[iii] Éric Lamoureux cité par Mathieu Oui, L’Étudiant, janvier 2000.

[iv] Chloé Duvauchel, idem.

 

La capatation intégrale du spectacle est disponible sur le site de Numeridanse : https://www.numeridanse.tv/videotheque-danse/vita-nova

 

L'équipe artistique et technique

Mise en scène & chorégraphie  : Héla Fattoumi et Eric Lamoureux Assistance à la chorégraphie : Jean-Antoine Bigot Interprétation : Cholé Duvauchel, David Ferrasse, Thanh Dinh Huynh, Vân Anh Lê Trân, Gaëtan Levêque, Chloé Moglia, Marc Pareti, Mathieu Prawerman, Marlène Rubinelli - Giordano, Osmar de Souza Pedro, André Mandarino, Luciane Vivas Costa, Mélissa Von Vépy Scénographie : Raymond Sarti Lumières : Xavier Lazarini Costumes : Sandrine Pelletier assistée de Sabine Laroussinie Décors : Construction du décor Compagnie des Bais douches et atelier du CNAC - Peinture du tapis Corine Fulconis Son : Bande son Christophe Sechet

 

 

 

 

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Avec Vue sur la Piste - Alain Reynaud - 2015

Étude de cas – Avec vue sur la piste

 

En 2016, Alain Reynaud de la compagnie des Nouveaux Nez est invité à mettre en scène le spectacle de fin d’études de la 27e promotion des étudiants du Cnac. En collaboration avec Heinzi Lorenzen, le metteur en scène propose aux dix-sept interprètes un projet de création qui prend pour objet l’art qu’ils pratiquent, le cirque. Inspiré par l’ouvrage J’aime le cirque de Jacques Peuchmaurd (voir p. 3 du livret du spectacle), Alain Raynaud offre au public « la piste constellée de paillettes » qui anime l’imaginaire collectif des spectateurs.

 

  1. Le cirque, un imaginaire réactivé

 

  • Modèle

 

Dès l’arrivée du public, l’accueil qui lui est réservé réactive les images associées au spectacle de cirque. Les interprètes deviennent des ouvreurs.ses qui placent les spectateurs après leur passage à la billetterie, à l’entrée de la piste pour l’occasion. L’installation du public fait partie du spectacle et le plonge dans une ambiance digne des cirques de la capitale au XXe siècle – ou des images qu’ils véhiculent. Un ouvreur distribue des quartiers de pomme qu’il vient de couper, telles les confiseries traditionnellement offertes aux enfants durant ce type de spectacle.

 

 

Fig1. extrait de la p. 4 livret du spectacle

La piste se révèle épurée, mise en valeur par une lumière claire, comme en témoigne Hervé Gary, créateur lumière : « Il était évident qu’il fallait beaucoup de lumière ; quelque chose de chaleureux, de gai » (p. 5 du livret du spectacle). La lumière souligne l’ambiance installée par l’accueil soigné des spectateurs, au cœur d’une ouverture qui fait office de prologue. L’espace est dénué d’élément décoratif, hormis les lampes de salon sur pied d’esthétique ancienne qui donnent l’impression d’un voyage au siècle dernier – plus tard, le spectateur découvrira des tubes LED bien plus modernes. L’architecture du cirque fait donc scénographie. Il s’agit de donner à voir un spectacle de cirque, qui ne semble, à première vue, ne poursuivre aucun autre dessein que celui de divertir le public. Hervé Gary l’explique : « Ils n’avaient besoin de rien. Juste du LUX. Comment guider le regard pour magnifier encore un peu plus les performances » (p. 5 du livret du spectacle). La mise en valeur des performances aux yeux du spectateur est annoncée dans le titre du spectacle : une vue privilégiée sur la piste, lieu du spectaculaire, de l’émerveillement, lieu du cirque.

L’environnement convoqué rappelle aussi celui du cabaret. Alain Reynaud le rappelle, la costumière, Nadia Léon, « possède [cette] culture » (p. 3 du livret du spectacle) et a travaillé en ce sens. L’accueil du spectateur, qui bénéficie, dès son entrée et comme le présageait l’affiche, d’une vue sur la piste, participe de cette esthétique.

 

Une estrade, sur le modèle de la loge d’orchestre traditionnelle des cirques, se trouve en hauteur sur un côté de la piste. Cependant, elle n’est pas l’espace de l’orchestre, qui pourtant existe, mais semble être celui des coulisses. On y trouve un portant rempli de vêtements et un personnage de coiffeur qui prépare un interprète pendant l’accueil du public. Seul le contrebassiste chante depuis l’estrade au moment où les autres personnages entament un tour de piste pour mimer au spectateur les consignes relatives aux photographies.

 

Fig.2 Extrait de la captation vidéo

 

Tel que la tradition le prévoit, un personnage qui porte une veste rouge, couleur typique des spectacles classiques de cirque, fait retentir une petite sonnette indiquant le début du spectacle. Chacun s’empare de son instrument de musique et investit ce qui sera vraiment l’espace de la musique, au sol en face de l’estrade, encadré par des tubes LED à la lumière blanche crue, qui modernisent la scénographie.

 

Fig. 3 Extrait de la captation vidéo

 

À l’instar du cirque classique et traditionnel, le premier numéro est musical. La formation instrumentale correspond aussi à ce modèle puisque l’on retrouve des instruments de la fanfare et une contrebasse. Le timbre est celui de la musique traditionnelle de cirque, tout comme la composition, chantante et dansante. Dès le début officiel du spectacle – l’accueil du public peut être considéré comme un début implicite –, le spectateur comprend que la musique et les sons viendront du plateau, ce que confirme Lola Etiève, créatrice sonore dans le livret du spectacle (voir p. 6). Lorsque le numéro musical prend fin, la percussionniste tombe et entraîne sa grosse caisse avec. Le jeu incorpore la musique et l’inverse sera de même effectif. Bien d’autres numéros seront inspirés du modèle traditionnel du cirque et du cabaret, comme le numéro de mât chinois qui commence par un lancer de fléchettes dont la cible est une pomme placée sur la tête de celle qui pourrait être une assistante, mais qui est en fait la machiniste ; ou encore le numéro de dressage détourné par le fait que l’animal, le chien, est joué par une interprète.

 

  • Dépassement

 

Si le modèle traditionnel, inspiré de l’imaginaire collectif que suscite le cirque, est largement convoqué dans le spectacle, Alain Reynaud et les dix-sept étudiants de la 27e promotion du Cnac ne manquent pas de le dépasser. La place et le rôle de la musique en sont un exemple. Selon le metteur en scène, le « pari » était « celui de mettre la musique au centre du spectacle » (p. 3 du livret du spectacle). Sans que ce dernier devienne un véritable concert ni que la musique tienne la première place, la dramaturgie et la mise en scène se construisent à partir d’un « répertoire », d’un « fond de couleurs sonores » (Ibid.). Or, traditionnellement, au cirque comme au cabaret, la procédure est contraire, la musique est composée à partir du numéro, dans l’objectif de le mettre en valeur.

 

De même, le détournement de la loge d’orchestre en coulisse, dans lequel on trouve les costumes et le coiffeur, concourt à l’expansion de la musique qui, en plus d’être l’élément à partir duquel on compose le spectacle, se déploie dans un espace plus ample, au sol sur un côté de la piste, encadré par les tubes LED, puis dans l’ensemble de l’espace. Le son circule, il provient de différents endroits et accède à toute la piste.

 

Fig. 4 Dessin du plan son, Crédits : Lola Etiève

 

« Nous avions la volonté de varier les espaces de musique ; certes il y avait l’envie d’un lieu principal pouvant accueillir le grand orchestre, mais nous voulions également tenter l’utilisation des agrès comme scène musicale » (Lola Etiève, p. 6 du livret du spectacle).

Dans la mesure où les instruments, excepté la contrebasse, sont des instruments à vent, les musiciens.nes, comme les chanteurs.ses, peuvent se déplacer sur la piste et jouer depuis n’importe quel espace. Cependant, le son ne circule pas uniquement de manière horizontale, mais investit aussi l’espace aérien. C’est le cas notamment lorsqu’une chanteuse et une guitariste accompagnent, depuis le cadre aérien, un numéro de main à main qui a lieu au sol. « Ainsi, nous avons pu construire différents espaces sonores au sein d’une même musique, avec plusieurs musiciens dispersés dans l’espace se retrouvant sur un seul et même thème » (Lola Etiève, p. 6 du livret du spectacle).

La musique, au cœur du spectacle, est aussi omniprésente grâce à sa spatialisation. Aussi François Thullier, à la direction musicale, s’est-il impliqué dans la réalisation scénique des partitions musicales composées avec les étudiants. Il confie que « les circassiens sont peu à peu devenus des “circamusiciens” » (p. 9 du livret du spectacle). Dimitri Rizzello commence par exemple son numéro de sangles et ses premières figures en jouant du tuba.

 

Enfin, un autre aspect traditionnel que le spectacle dépasse relève de l’illusion. Si nous avons déjà rappelé que l’estrade, similaire à la loge d’orchestre, représente en fait une coulisse avec ses éléments de costume et d’accessoire, les instruments à vent sont aussi suspendus aux tubes LED lorsqu’ils ne sont pas utilisés, du côté de l’espace réel de la musique. Ces outils du spectacle maintenus à la vue du spectateur, tout comme le montage et le démontage des agrès, dépeignent l’envers du décor. Ils cassent ainsi l’illusion théâtrale et troublent l’émerveillement souvent produit par la surprise.

 

  1. La piste, un espace d’échange et de circulation

 

  • Démultiplication des espaces et mise en valeur du collectif

 

Si la musique bénéficie d’une spatialisation dynamique, le centre de la piste n’est pas non plus le centre focal unique proposé au spectateur et mis en valeur. Dès le premier numéro, celle que l’on pensait être l’assistante du lanceur de fléchettes rejoint son mât chinois qui n’est pas au centre de la piste, mais sur un côté. En face, de l’autre côté, se trouve un deuxième mât qui sera investi par une deuxième machiniste. Le mât indien est en définitive le seul agrès positionné au sol au centre de la piste – le cadre est au centre de l’espace aérien. Les numéros sont donc, comme la musique, répartis sur l’ensemble de l’espace, invitant un regard dynamique du spectateur qui en observe différents points.

 

Fig.5. Extrait de la captation vidéo

 

Alors que l’espace privilégié de la piste est démultiplié en plusieurs endroits, les numéros, traditionnellement en solo ou en petite formation, sont régulièrement ouverts au collectif, qui, en intervenant, rend les frontières poreuses entre les différents numéros et valorise la création de groupe. Comme le souligne Heinzi Lorenzen : « Dans ce spectacle, il y a plusieurs espaces : l’espace scénique, la piste et les espaces personnels. Tous accueillent les résonances de chacune des actions, des paroles, des musiques des autres espaces » (p. 5 du livret du spectacle). La démultiplication de l’espace à regarder accompagne la répartition des actions scéniques et de l’intérêt du spectateur. Ainsi le format du numéro est-il dilué dans l’intervention collective qui élargit l’espace-temps qui lui est traditionnellement dédié. La bascule, par exemple, commence avec l’ensemble des interprètes. Certains propulsent la voltigeuse et d’autres la rattrapent. L’agrès sert aussi de tremplin pour une colonne à trois qui concernent d’autres acrobates que les cinq qui composent le groupe de bascule. Le « lien entre l’espace personnel et l’espace scénique » (Alain Reynaud, p. 3 du livret du spectacle) est régulièrement mis en œuvre en décentralisant les actions et les agrès sur la piste, comme en désindividualisant le format du numéro.

Ce processus est mis en valeur par les personnages de preneur son et de technicien lumière. Le preneur son n’hésite pas à utiliser la perche pour sonoriser des chanteuses du centre de la piste, de même qu’un technicien lumière porte un projecteur tourné en direction du sangliste de retour au sol. La démultiplication des espaces ainsi que l’anti-illusionnisme sont transmis par un jeu qui révèle les artifices du spectacle.

 

Le numéro de cadre aérien est, lui aussi, le résultat de cette double ambition. Il débute autour d’un passage des acrobates du sol à l’aérien, à nouveau grâce au groupe qui porte et rattrape. L’espace, ouvert grâce aux relations entre le centre et les extrémités de la piste, devient aussi celui de l’aller-retour entre la hauteur et le sol, qui appartient à tous les membres du collectif et dans lequel on circule verticalement. Le quatuor entame ensuite ses figures. L’espace aérien à peine occupé, des tubes LED s’allument et forment des figures géométriques comme pour structurer ce vide dans lequel le numéro se développe.

 

Fig. 6 Extrait de la captation vidéo

 

Les musiciens sont au sol et le sangliste, monté juste avant, occupe le dernier espace de la hauteur, celui qui permet de regarder du dessus. Suite à ce numéro, un autre acrobate rejoint le cadre aérien et monte sur le grill. Il finit par se suspendre par les pieds de l’espace le plus haut du cirque avant de se lâcher sur le filet de sécurité. Les musiciens, couchés au sol pour regarder la scène, occupent d’une nouvelle manière cet espace aux multiples dimensions.

 

La musique ne manque pas d’investir cet étendu, comme le montre le duo musical guitariste et chanteuse, tête à l’envers, sur le cadre aérien qui accompagne le premier duo de main à main. Cet épisode témoigne du fait que l’espace de la musique est à son tour démultiplié, mais aussi que les traditions peuvent être déconstruites jusqu’à l’inversion : les acrobates au sol, les musiciens en aérien. Sur la piste, les autres regardent, à l’instar du public, et commente. L’espace scénique devient aussi celui du spectacle et le jeu est partout. À ce moment-là, le numéro se déroule au centre de la piste, la musique est en aérien et le jeu se prolonge sur les bords – les personnages de spectateurs sont outrés par le traitement que le porteur fait subir à sa voltigeuse. Ce déplacement du jeu sur les bords de la piste est aussi mis en valeur lorsque celui qui assure le sangliste est éclairé et devient personnage.

 

  • Dynamique et circulation

 

Dès l’accueil des spectateurs, les interprètes sont en circulation et la piste bouillonne de vie. Certains accordent leur instrument pendant que d’autres s’appliquent à rechercher des personnes au moyen d’annonces micro faites dans plusieurs langues. L’image d’« un immense hall, un carrefour, une rotonde traversés par des entrées. Un lieu où toutes les rencontres sont possibles » (Alain Raynaud, p. 3 du livret du spectacle) pensée par le metteur en scène apparaît au spectateur dès les premières minutes. C’est un espace de vie, un hôtel, « grand palace des années 20 » (Ibid.), dans lequel les corps cohabitent et sont en action. Le bruit, les spectateurs, réels, qui discutent, et l’accueil de certains en anglais participent de cette ambiance de l’hôtel en pleine saison. Un petit groupe de musique en acoustique rappelle la musique d’ambiance improvisée par des musiciens payés au chapeau.

Ces instants d’effervescence sont aussi convoqués entre les numéros grâce à des circulations sur la piste, ponctuées d’acrobaties qui permettent les changements de scénographie ou de costume. On retrouve l’idée de passage et d’un espace qui appartient à tous. Suite au deuxième numéro de main à main, c’est la parole qui est mise en circulation. Tous les autres personnages commentent le numéro, puis cherchent l’un d’entre eux depuis la piste, le centre et les bords, et depuis l’aérien. Le spectateur assiste à une sorte de cacophonique qui montre que le verbe est aussi accessible à tous et provient d’espaces variés.

 

La piste comme lieu d’échange et de circulation est matérialisée par la mise en lumière des quatre entrées. Alain Reynaud souhaitait en effet « qu’entrer en piste soit synonyme d’un acte physique ; sauter en piste, descendre en piste, surgir en piste... » (p. 3 du livret du spectacle). Pour cela, les entrées qui, traditionnellement, restent dans la pénombre sont ici rehaussées d’un escalier de trois marches descendantes qui permettent de ralentir l’arrivée tout en faisant appel à l’imaginaire collectif de l’entrée en scène des vedettes qui, parées de lumière, descendent les marches d’un grand escalier en saluant le public. Le hall d’hôtel devient la scène d’un grand spectacle. Ces entrées sont aussi encadrées de lumière à l’aide des tubes LED. Selon Hervé Gary, créateur lumière, « les portes devaient être lumineuses et transparentes » (p. 5 du livret du spectacle), évoquant les entrées en scène majestueuses du siècle dernier sans renoncer à la modernité de la création.

 

Fig. 7 Extrait de la captation vidéo

 

Souligner les entrées grâce aux marches et au cadre lumineux revient à insister sur le fait qu’elles sont multiples. Conforme au grand hôtel à l’origine de l’inspiration des artistes, la piste reste le lieu de rencontre entre des personnes de diverses origines, arrivées par des entrées différentes, parlant plusieurs langues et aux accents variés. Enfin, les tubes LED encadrant les portes s’allument entre les numéros et rappellent ainsi au spectateur la structure du cirque, son architecture, comme pour signifier la structure du spectacle. Les portes sont l’entrée et la sortie, la frontière entre l’intérieur et l’extérieur de la piste, ainsi que la marque du début et de la fin.

 

Conclusion, un spectacle sur le cirque

 

« Un établissement d’un autre temps, un lieu prestigieux et désuet » (Alain Reynaud, p. 3 du livret du spectacle)

 

Avec vue sur la piste, comme son nom l’indique, offre au spectateur un spectacle qui semble correspondre à un modèle, celui de notre enfance, ou, tout simplement, celui qui peuple l’imaginaire collectif lié au cirque. Cependant, bien loin d’une pièce de musée, figée, qui répondrait exclusivement aux paramètres du cirque classique, à savoir ceux qui suscitent l’émerveillement, le spectacle de fin d’études de la 27e promotion du Cnac est aussi un spectacle qui raconte le cirque, le commente et le transforme.

Pour finir, le spectateur entend un trompettiste en solo, dans la pénombre, très vite rejoint par le groupe alors éclairé. Chaque interprète participe à la réalisation de cette dernière intervention de « l’orchestre du grand hôtel » (cf. livret du spectacle), que ce soit en jouant d’un instrument, en chantant, ou en sonorisant le groupe au moyen du micro au bout de la perche. L’image qui clôt le spectacle est celle d’un orchestre, d’un groupe de musique, dans lequel chacun a sa spécificité, où chaque membre peut être différent, tout en « faisant groupe ». Cette image fait écho à celle de la compagnie de cirque évoluant dans sur une piste, qui, dans ce spectacle, fait en sorte de valoriser le collectif. Avec vue sur la piste nous donne à voir le cirque, empreint de ses traditions, de ses conventions, mais traversé par une modernité dynamique.

 

Karine Saroh

 

 A découvrir le carnet du spectacle sur ce lien.

 

L'équipe artistique et technique

 

Alain Reynaud Mise en scène, Heinzi Lorenzen Collaboration artistique, Hervé Gary Création lumière, Lola Etiève Création son, Nadia Léon Création costumes, assistée de Patricia de Petiville, François Thuillier Direction musicale, Fiona Couster Coordination, Julien Mugica Régie générale, Jacques Girier Régie plateau, Vincent Griffaut Régie lumière, Gildas Céleste Régie son

 

 

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Pulsions - Laurent Laffargue - Compagnie du Soleil bleu

 

Pulsions est le spectacle de fin d’études de la 24e promotion du CNAC avec Emanuel Breno Caetano à la corde lisse, Jonas Leclere aux sangles, Juan Manuel Rueda au mât chinois, Camille Chatelain au vélo acrobatique, Elise Bjerkelund Reine au trapèze et à la contorsion, Laura Colin (voltigeuse) et Coraline Léger (porteuse) au trapèze duo fixe, Josa Kölbel (porteur) et Bellina Belinda Sörensson (voltigeuse) au trapèze fixe, Marine Fourteau (voltigeuse) et Angèle Guilbaud (porteuse) au cadre aérien, Liza Lapert et Marcel Vidal Castells au portique coréen, Simon Bruyninckx et Arne Sabbe à la bascule coréenne, Coline Mazurek (voltigeuse) et Valentin Verdure (porteur) aux portés acrobatiques.

 

Après avoir exploré la question de l’absurdité des rôles sociaux et des jeux possibles sur le masculin et le féminin en montant des pièces comme Le Tartuffe de Molière, L’Épreuve et La Fausse Suivante de Marivaux, Laurent Laffargue (de la Compagnie du Soleil Bleu) revient sur ces thématiques dans un spectacle de cirque où la musique et la projection vidéo jouent un rôle majeur.

 

 

UNE SCÉNOGRAPHIE CIRCULAIRE DE L’EMPILEMENT ET DU (DÉ)VOILEMENT

 

La spécificité de Pulsions tient au dispositif scénographique crée par Philippe Casaban et Eric Charbeau, fidèles collaborateurs de Laurent Laffargue au théâtre (Le Tartuffe de Molière, Les Géants de la Montagne de Pirandello…) comme à l’opéra (Don Giovanni de Mozart, La Bohème de Puccini…). Il est composé de trois cercles concentriques mobiles verticalement. Les trois anneaux, de plus en plus larges du sommet à la base, peuvent s’emboîter les uns dans les autres ou se déployer. Sur les deux anneaux du haut du tissu blanc est suspendu, sur celui du bas, ce sont de fins fils formant un rideau[i].

 

Ce dispositif scénographique sert parfois à cacher aux spectateurs.trices ce qui se passe sur la piste, comme pour les empêcher de voir ce que la morale désapprouve. Cette obstruction n’est cependant que partielle, dans la mesure où les trois anneaux laissent tous passer la lumière (à des degrés différents).

Dans le tableau initial, alors que la fête organisée pour l’anniversaire surprise de l’un des protagonistes bat son plein, le dispositif scénographique descend des hauteurs du cirque en dur du Cnac. Les deux anneaux du haut s’emboîtent dans celui du bas, ce qui permet à la fois de jeter un voile pudique sur les débordements qui commencent à avoir lieu et d’inciter le public à lever les yeux au ciel pour voir le quatuor que Marine Fourteau, Angèle Guilbaud, Liza Lapert et Marcel Vidal Castells effectuent au cadre aérien cadre aérien et au portique coréen.

À mi-spectacle, pendant un noir entre deux tableaux, les anneaux descendent une nouvelle fois des hauteurs, cette fois-ci en se déployant totalement. Ils restent en place pendant l’installation puis le déroulement de deux tableaux abordant le thème de la sexualité. Pour le premier, une dizaine d’étudiant.e.s avancent à plat ventre sur la table, encastré.e.s les un.e.s dans les autres dans un flux ininterrompu, sous le regard de l’une d’entre eux qui déclare : « Bah moi ça m’arrive jamais ça en fait. Je sais pas pourquoi. Je comprends pas. Parce que ça va, je suis pas ouf, mais ça va je suis pas dégueulasse non plus. Mais je sais pas, je trouve personne. Il y a personne qui a envie de moi en fait. En même temps, je suis pas comme eux tous. Ils se rencontrent, il se connaissent à peine, clac, paf, ils se rentrent dedans. Je peux pas faire ça moi. J’ai envie de trouver un truc vrai. J’ai envie de trouver un truc réel. J’ai envie de trouver l’amour vraiment ». Pour le second tableau, les interprètes commencent par se demander les un.e.s aux autres, à voix basse : « tu veux jouer à touche-touche avec moi ?  » avant de chanter en chœur : « qui veut jouer à touche-touche avec moi ? ». C’est à ce moment que les anneaux remontent, puisque leur question est désormais clamée et adressée au public.

Dans le tableau final, en écho avec le tableau inaugural, le dispositif scénographique est utilisé une dernière fois pour estomper ce qui se passe au sol et concentrer le regard vers ce qui se passe dans les airs. Tandis que les étudiant.e.s grimpent à la corde pour rejoindre Elise Bjerkelund Reine au trapèze, les anneaux sont déployés depuis le bas. Cette fois-ci – et pour la seule fois du spectacle, l’anneau composé de fins fils se retrouve en haut. Le noir final se fait alors que le dispositif scénique est encore en mouvement. Cela a pour effet d’accentuer la pulsion à laquelle semblent répondre celles et ceux qui cherchent à monter, tout en camouflant en partie leur action.

 

Extrait de la captation vidéo, Pulsions (c) Cnac, 2012

 

 

Si, à certains moments du spectacle, la scénographie permet dérober au regard du public certaines actions scéniques, à d’autres moments elle permet de projeter des images de différentes natures.

 

Ce sont parfois des images d’archives qui apparaissent sur ce qui devient alors des écrans (rideau de fins fils et toiles de PVC). Au tiers du spectacle environ, le public voit défiler des vidéos de jeunes femmes apprêtées selon le style caractéristique des années 1970 en train de se faire photographier ou d’être applaudies. Ces projections interviennent juste après une scène au cours de laquelle une étudiante fait – en anglais et au micro – un discours digne d’une Miss Monde caricaturée (« I want a better word, without pollution and with a lot of peace »), tandis que deux camarades lui embrassent la joue puis le bras, lui mettent une chaussure à talon à un pied, un boa rose autour du cou, du blush sur les joues, du mascara sur les yeux, un ruban dans les cheveux, une dizaine d’écharpes dorées en bandoulière, une plaque d’immatriculation dans les mains puis une pierre accrochée à une corde à la cheville. En mettant en lumière les effets de la publicité et du marketing dans l’imaginaire de la féminité et donc dans les injonctions quotidiennes auxquelles les femmes sont sommées de se soumettre, ces images d’archive incitent le public à approfondir la lecture de la scène à laquelle il vient d’assister.

Parfois, des images d’archives sont projetées non pas après mais avant un tableau, dont elles orientent donc la lecture a priori. Peu temps après les vidéos des jeunes femmes apprêtées, c’est la vidéo d’un match de boxe qui est projeté sur le dispositif scénographique. Lorsque tous les anneaux sont remontés, les images disparaissent mais le son reste, pendant le début d’un numéro de bascule coréenne. Habituellement synonyme d’entraide et d’interdépendance, cet agrès devient symbole d’affrontement. Les bruits de la bascule sonnent comme des coups, les regards échangés entre les interprètes après la réalisation d’une figure sont lus comme des défis lancés à l’autre, surtout de la part de celui qui est habillé tout en noir, qui peut est ainsi identifié – en référence aux codes de la boxe ou du catch – comme un adversaire particulièrement difficile à (a)battre. Tout comme la féminité, la masculinité est construite par les images auxquelles nous sommes exposées. Ici, la virilité est clairement associée à la force physique.

 

 

Extrait de la captation vidéo, Pulsions (c) Cnac, 2012

 

Extrait de la captation vidéo (c) Cnac, 2012
Extrait de la captation vidéo, Pulsions (c) Cnac, 2012

 

Vers la fin du spectacle ce ne sont plus des images d’archives qui sont projetées sur le dispositif scénographique de Philippe Casaban et Eric Charbeau, mais des images du spectacle auquel le public est en train d’assister. En revoyant des scènes qu’il a déjà vues quelques minutes, les spectateurs.trices les interprètent différemment. Après le prologue de « l’anniversaire surprise », dans une obscurité presque totale, le public découvre un tas de corps, que l’on retrouve sur l’affiche du spectacle pour sa présentation au CNAC. Uniquement vétu.e.s d’un slip noir, les étudiant.e.s sont groupé.e.s sous la corde lisse, comme s’ils en étaient tou.te.s tombé.e.s. Peu à peu tout le monde se déplace au sol et sort de scène, sauf une personne qui reste dans une sorte de prosternation qui sera reprise sur l’affiche du spectacle lors de sa présentation à la Villette. Ce corps défait progressivement les contorsions complexes dont il est l’objet, ce qui révèle – pudiquement – ses attributs féminins (seins). Alors qu’il s’apprête à se relever, il est comme dévoré par un autre corps qui réinvestit rapidement l’espace scénique. Ce deuxième tableau est suivi d’un duo de trapèze fixe extrêmement doux voire sensuel, dans lequel il est difficile de distinguer les deux corps des interprètes jusqu’à ce que l’une finisse par lâcher l’autre. Quelque peu mystérieux, ces deux tableaux initiaux sont projetés en fin de spectacle, après que le public a assisté à des scènes plus facilement compréhensibles (notamment celles de « Miss Monde », du « combat de bascule coréen », de la « chaîne des positions sexuelles », de « qui veut jouer à touche-touche avec moi »). Ils se chargent alors de significations qu’ils ne pouvaient pas encore porter :  on peut par exemple y lire une métaphore de l’indistinction des genres à la naissance – avant que la société ne se charge de les construire – ou de l’imbrication des sentiments qui composent ce qu’on appelle l’amour.

 

Affiche du spectacle au cirque en dur, Châlons-en-Champagne, 2012
Affiche du spectacle pour la Villette, 2013

 

Dans Pulsions les références visuelles se multiplient et s’emboîtent les uns dans les autres, comme le dispositif scénographique du spectacle. On retrouve ainsi un dernier type d’images, projetées entre le premier et le deuxième, puis entre l’avant-dernier et le dernier tableau. Il s’agit, dans un premier temps, de formes colorées abstraites puis de tableaux aux thèmes mythologiques qui défilent en boucle, comme des images subliminales. Ces projections portent l’enjeu majeur du spectacle : montrer que nous sommes conditionné.e.s par des mythes fondateurs, qui pour être ré-interprétés n’en sont pas moins réducteurs de liberté.

 

 

 

UN SPECTACLE QUI RÉINVESTIT DE GRANDS MYTHES FONDATEURS

 

Les mouvements du dispositif scénographique ainsi que le recours récurrent au « noir plateau » incitent à considérer Pulsions comme une succession d’une vingtaine de tableaux, dont certains évoquent clairement de grands mythes fondateurs.

 

Parmi les images projetées au début et à la fin du spectacle figure une pomme – peut-être issue du tableau Adam et Ève par Lucas Cranach l’Ancien. Compte tenu de la vitesse de la projection, celle-ci n’est pas forcément vue par l’ensemble des spectateurs.trices, mais elle revient plusieurs fois par la suite. Alors que trois interprètes sont debout, nus, un néon posé à la verticale sur chacun de leur corps, un homme et une femme, tout aussi nus, s’avancent lentement l’un vers l’autre sans se quitter des yeux. Lorsqu’ils sont extrêmement proches, l’homme met dans sa bouche la pomme rouge qu’il tient dans sa main droite. La femme se met sur la pointe des pieds et croque dedans. Noir plateau. La référence biblique est ainsi détournée puisque c’est l’homme qui incite la femme à croquer dans le fruit défendu, dans une sorte de jeu érotique. On pense alors à « Gleeden » qui se définit comme « le premier site de rencontre extra-conjugales pensé par des femmes, gratuit pour les femmes mariées » ou à la série Desperate Housewives où l’adultère est le nœud d’un certain nombre d’épisodes. Dans le tableau suivant des couples dansent la valse, en mangeant une pomme rouge qu’ils se passent de bouche à bouche.

 

Extrait de la captation vidéo, Pulsions (c) Cnac, 2012

 

Pulsions est également traversé par la figure de Cupidon. Vers la fin du spectacle, alors que tou.te.s les étudiant.e.s sont endormi.e.s au pied du mât chinois, Juan Manuel Rueda y monte pour y effectuer quelques figures. À chaque fois qu’il descend et cherche à quitter son agrès, les étudiant.e.s se réveillent et l’y réinstallent, comme s’ils espéraient que ce Cupidon leur envoie ses flèches d’amour pendant leur sommeil. Le noir plateau intervient alors que Juan Manuel est de nouveau en train de gravir son mât, comme s’il était condamné à effectuer sa mission de faire en sorte que les (jeunes) gens tombent amoureux les uns des autres.

Extrait de la captation vidéo, Pulsions, (c) Cnac, 2012

 

Dans Pulsions, on croit à l’amour, mais celui-ci est plus complexe que les mythes fondateurs voudraient nous faire croire. À trois reprises, les interprètes appellent « Valentin » : à la suite de « la valse des pommes » (ce qui leur permet de sortir de scène pour le tableau « Miss Monde), après le numéro de bascule coréenne (ce qui permet la désinstallation de l’agrès) et après la séquence de « qui veut jouer à touche-touche avec moi ? » où les artistes se jettent des tables ou des épaules de leurs partenaires en criant « Valentin ! » et en espérant que quelqu’un.e va les rattraper. Si Valentin est le nom d’un des étudiants de cette 24e promotion du CNAC (Valentin Verdure), c’est aussi le nom d’un saint associé à la « fête des amoureux » célébrée le 14 février.  Si son nom est connu, son histoire l’est beaucoup moins. Saint Valentin est Valentin de Terni qui, au IIIe siècle après Jésus-Christ, fut emprisonné et martyrisé par Claude II Le Gothique car ce moine continuait de célébrer des mariages, malgré l’interdiction de l’Empereur qui craignait que les hommes soient tentés de rester avec leurs fiancées plutôt que de partir à la guerre. Le jour de son exécution, le 14 février 269, il est roué de coups puis décapité. En 495, le pape Gélase Ier décide d'en finir avec la licence de la fête païenne des Lupercales célébrées du 13 au 15 février – au cours desquels deux jeunes hommes désignés par le prêtre-sacrificateur devaient courir dans toute la ville de Rome en se servant de la peau du bouc sacrifié pour fouetter certaines femmes rencontrées sur leur passage afin de les rendre fécondes – et décide de la remplacer par la fête du 14 février. La Saint-Valentin charrie donc une violence complètement ignorée de la fête commerciale qu’elle est devenue.

 

Si, de prime abord, le troisième tableau du spectacle semble doux et sensuel, il renvoie lui aussi à une histoire qui l’est beaucoup moins. Vêtues d’un shorty noir et d’un soutien-gorge couleur chair, Laura Colin et Coraline Léger se livrent à un duo de trapèze fixe dans lequel elles effectuent des figures marquées par une tension entre le haut et le bas, le trapèze servant souvent d’axe de rotation. On pense alors au mythe d’Aristophane (mentionné dans Le Banquet de Platon) selon lequel, à l’origine, les êtres humains étaient androgynes et avaient la forme d’une sphère, qui se déplaçait par culbute en roulant sur elle-même, jusqu’au jour où, pour les punir de leur velléité à égaler les dieux, Zeus les coupa en une moitié mâle et une moitié femelle et disposa leurs sexes de manière à ce qu’il y ait jouissance quand ils se réunissent. On peut également lire une trace de ce mythe dans le numéro de sangles de Jonas Leclere. Celui-ci s’amuse à brouiller les frontières communément admises entre le masculin et le féminin puisqu’il entre en piste vêtu de chaussures à talons, d’une jupe noire, d’une veste blanche et d’une perruque blonde et qu’il se met ostensiblement et malicieusement, du rouge à lèvres devant les spectateurs.trices. Lorsqu’il enlève son haut, les sangles tombent du ciel. Les figures qu’il effectue ne sont pas sans rappeler les culbutes évoquées par Aristophane. Mais elles prennent également une connotation clairement sexuelle, puisque Jonas s’amuse des connotations BDSM (bondage, domination, soumission, sado-masochisme) que peut revêtir son agrès. Les cris de jouissance qu’il pousse incitent le public à considérer qu’il monte au septième ciel... dont il n’arrive pas à redescendre tout seul. Pendu par le bras, il n’arrive pas à toucher le sol avant que cinq interprètes en costume noir viennent le décrocher et désinstaller son agrès. La fin du tableau jette un nouveau trouble sur l’ensemble du numéro : le personnage de « la blonde » créé par Jonas ressemble à l’image que l’on peut se faire d’une prostituée tandis que les artistes en noir renvoient à la figure de policiers aussi bien que de maquereaux.

 

 

Extrait de la captation vidéo, Pulsions, (c) Cnac, 2012
Extrait de la captation vidéo, Pulsions, (c) Cnac, 2012

 

 

UN SPECTACLE QUI DÉNONCE LES VIOLENCES FAITES AUX FEMMES

 

Pulsions peut être lu comme une fable sur les rapports hommes/femmes, composée de différentes étapes :

  • Indifférenciation des sexes : scène du tas de corps puis de la contorsion
  • Séparation des sexes : duo de trapèze fixe et numéro de corde lisse, qui évoque une naissance dans la mesure où Emanuel Breno Caetano cherche moins à monter à la corde qu’à en descendre, comme un bébé accroché à un cordon ombilical qui hésite à pénétrer dans le monde qui se présente à lui.
  • Attirance : tableau individuel puis collectif autour de la pomme, duo entre Camille Chatelain au vélo qui finit par rejoindre Emanuel Breno Caetano à la corde lisse, après lui avoir littéralement tourné autour. Dès lors que l’on cherche à attirer l’autre, on se demande comment lui plaire. Les femmes, la réponse semble être dans leur capacité à prendre soin d’elle et de leur intérieur : les tableaux de pomme sont suivis de la séquence « Miss Monde » puis d’un duo féminin où l’une des artistes détourne une planche à repasser de son usage courant tandis que l’autre chante une chanson évoquant les vicissitudes de la vie de couple. Pour les hommes, la réponse semble être dans leur capacité à montrer leur force physique : le duo vélo/corde est suivi du numéro de bascule coréenne aux allures de combat de boxe.
  • Sexualité : tableau de la « chaîne des positions sexuelles » et de « qui veut jouer à touche avec moi ? », qui dégénère en scène de viol.
  • Domination masculine : portées acrobatiques de Coline Mazurek et Valentin Verdure mettant en scène la montée des violences conjugales au sein d’un couple, numéro de sangles de Jonas Leclere qui interroge l’acceptation des corps et des sexualités considérées comme « hors norme », numéro de vélo acrobatique de Camille Chatelain : d’abord à terre (agripée à son vélo, lui-même tiré par un d’Emanuel Breno Caetano), elle se remet progressivement en selle grâce à ses camarades, mais doit finalement de soumettre aux ordres – extrêmement autoritaires – d’Emanuel Breno Caetano et pratiquer son agrès comme il l’entend.
  • Émancipation : fin du numéro de vélo acrobatique où Camille prend son indépendance ; duo de Josa Kölbel et Bellina Belinda Sörensson au trapèze fixe qui semble résumer les différentes étapes d’une vie de couple, avec ses rapprochements et ses prises de distances, jusqu’à la séparation finale ; solo de trapèze volant où Elise Bjerkelund Reine prend plaisir à accomplir, seule, des figures de plus en plus impressionnantes.

 

En cherchant à retracer une histoire possible des rapports hommes/femmes, le spectacle de fin d’année de la 24e promotion du CNAC incite à porter un nouveau regard sur les violences faites aux femmes.

 

En plaçant le duo aérien de Laura Colin et Coraline Léger en quasi-ouverture de Pulsions, Laurent Laffargue incite à lire la suite de son spectacle à l’aune du mythe d’Aristophane, fondateur d’une conception de l’amour comme recherche de sa moitié, accompagné du désir de ne faire plus qu’un. Cette scène inaugurale conditionne notre appréhension des scènes de violences conjugales qui vont nous être présentées par la suite. D’une certaine manière, on pourrait considérer que les hommes ont des attitudes possessives avec les femmes dans la mesure où, selon le mythe d’Aristophane, elles sont en fait une partie d’eux-mêmes qu’ils cherchent – parfois très brutalement – à réintégrer. Les femmes auraient du mal à se soustraire à cette violence car elles seraient soumises au même désir de (re)groupement, à cette même pulsion fusionnelle. Alors même qu’elle évoque une relation amoureuse qui commence par un jeu de séduction pour aboutir à un adultère après une phase de désintéressement, Camille Chatelain chante « c’est à l’amour auquel je songe, je me demande à cet instant, s’il n’existe que dans les songes ou bien vraiment ». Quelques minutes plus tard, elle s’élance vers la corde d’Emanuel Breno Caetano comme on tombe dans un piège, tandis que la chanson jazzy diffusée à ce moment-là clame ironiquement « crazy from loving you ». 

 

Dans Pulsions, les hommes ne sont pas coupables face à des femmes victimes. Certains tableaux accusent la société dans laquelle nous vivons, lui reprochant les injonctions qu’elle émet plus ou moins implicitement et les comportements plus ou moins graves qu’elle engendre. En empruntant ses codes à la boxe ou au catch pour les intégrer à un numéro de bascule coréenne, Pulsions dénonce tacitement l’association de la virilité à la force physique. Ce n’est pas un hasard si ce tableau est suivi de près par une scène de viol et une scène de violence conjugale. Dans la première, alors qu’un homme maintient une femme au sol en s’allongeant sur elle, une interprète vient le relever, le prendre dans ses bras puis le porter comme un enfant, comme pour montrer qu’il n’est pas entièrement responsable des actes qu’il a commis, et qu’il sait condamnables. Dans la seconde, tou.te.s les interprètes sont assis.e.s sur des bancs en bord de piste, assistant sans rien dire ni rien faire au duo de Coline Mazurek et Valentin Verdure qui commencent comme une danse de couple et finit comme une véritable bagarre. De la même manière, peu de temps après, les camarades de Camille Chatelain l’aide à se remettre en selle – sans doute après une blessure qu’on imagine sans lien avec sa pratique acrobatique – mais personne n’ose affronter Emanuel Breno Caetano et rester en piste malgré son ordre de « dégager ». Pulsions semble ainsi défendre l’idée selon laquelle les violences faites aux femmes ne sont pas un problème individuel mais collectif, sociétal.

 

Seules, les femmes ne peuvent que rêver de s’en sortir. À la fin du numéro de vélo acrobatique, on a l’impression que Camille Chatelain reprend le contrôle de son agrès et s’émancipe d’Emanuel Breno Caetano, qu’elle regarde même avec audace et défi. Cependant, la musique jette un trouble sur le statut de ce que nous voyons. « Always in my dream I imagine… » annonce la chanteuse. Nous voudrions tant croire au « happy ending » mais peut-être sommes-nous devant la représentation d’un fantasme ?

De la même manière, nous aimerions croire que, seule sur son trapèze volant, Elise Bjerkelund Reine est une figure de femme libre et indépendante. Mais force est de constater qu’elle se fait comme attraper au lasso par un de ses camarades et que nous ne sommes pas sûrs que ce soit pour la sauver que tou.te.s les autres grimpent à la corde derrière lui.

 

Extrait de la captation vidéo, Pulsions, (c) Cnac, 2012

 

Marie Astier

 

L'équipe artistique et technique

 

Mise en scène Laurent Laffargue - Assistance à la mise en scène Sébastien Laurier, Manon Colomb de Daunant - Scénographie Philippe Casaban, Eric Charbeau, Laurent Laffargue, avec l'atelier et le service technique du Cnac - Dramaturgie Gwénola David, Laurent Laffargue - Musique Hervé Rigaud, avec la collaboration d’Antoine Delecroix (prise de son et mixage), Maëva Le Berre, Anne Gouverneur, Christophe Gratien, Camille Chatelain (instruments et voix) - Lumières Laurent Laffargue, Vincent Griffaut, Marcello Parisse - Vidéo Audrey Mallada, Laurent Laffargue - Costumes Sarah Meriaux - Concepteur des accroches aériennes Fill de Block / Atelier du Trapèze - Régie générale, régie vidéo (création) Nicolas Brun - Régie générale, Chef monteur chapiteau (tournée) Julien Mugica - Régie plateau, monteur chapiteau Jacques Girier - Régie lumières Vincent Griffaut - Régie son Rémi Bourgeois

 

 

[i] Selon Julien Mugica : « Tout était en tissu blanc. Les 2 cerces les plus petites (8m et 8m50 de diamètre) était en tissu tendu à l'aide de tubes (également en forme de cerce de même diamètre) insérés dans des fourreaux à la base. Rien ne pouvait passer à travers. La troisième (9m de diamètre) était faite de filins type rideaux de pluie en tissu pouvant permettre des passages de personne ou d'objets en tous points. Pour finir, toute cette matière permettait de s'écraser complétement au sol. Si ça avait été en PVC, pas possible et du coup pas de trapèze ballant »

Marcello Parisse précise : « cerces en aluminium de diamètre 8m, 8,5m, 9m , avec manchons en acier,  1 avec du fin fils et 2 avec écrans en tissus… »

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F(r)ICTION - Antoine Rigot et Alice Ronfard - Les Colporteurs

 

Antoine Rigot et Alice Ronfard de la compagnie Les Colporteurs ont été invités par le Cnac en 2019 pour mettre en scène les dix-sept étudiants.es de la 30e promotion. Le livret du spectacle fait état d’un processus de création collectif qui a mis à l’épreuve les envies, les désirs et les attentes des étudiants.es pleinement confrontés.es à l’acte de création, à ses instants de plénitude comme aux doutes qui l’accompagnent. Le résultat est un spectacle riche qui aborde les thématiques du groupe, de l’individualité et du genre sans détour, avec la complexité que ces sujets requièrent et avec la poésie qui les donne à voir d’une nouvelle manière.

 

Le groupe, acteur de la fiction

 

Dès l’entrée du public dans le cirque, lorsqu’il s’installe, les interprètes sont en piste, rassemblés sous une bâche en polyane d’où provient une lumière bleue qui transforme les corps en ombres. Ils dansent sur de la musique techno. Très vite, la salle plonge dans le noir et seule la lumière bleue sous la bâche perdure. La musique radicalise son paramètre rythmique et passe de la techno à la trance. Les corps dansants, qui ne sont que des ombres, produisent un effet de masse difforme épousée par une coquille à l’intérieur de laquelle regorge la vie.

Cette bâche en polyane est un élément central de la création. Lili Parson, étudiante dont la spécialité est la roue cyr, en témoigne : « [à] la Brèche, il y avait une très grande bâche, utilisée avec tous les agrès, sous presque tous les angles, emballés, plastifiés, mis sous vide, voilà nos deux premières semaines » (p. 16 du livret du spectacle). Cet accessoire devient, dès les prémices de la création, un élément premier de la scénographie et de la composition. Cet objet, central dans l’ouverture du spectacle, constitue le fil conducteur, le lien de sens. Ainsi, la bâche et, surtout, la matière dans laquelle elle est fabriquée, le polyane, réapparaîtra sous plusieurs formes, comme pour renvoyer à cette scène initiale durant laquelle le collectif ne fait qu’un, lié et protégé par cette membrane. Couvre-chef qui se substitue à la tête des interprètes, jupon, veste, cette matière plastique et sonore, portée ensuite individuellement, rappellera, tel un souvenir, la force du groupe.

 

(c) Christophe Raynaud de Lage

 

Sitôt la fin de cette première scène, un personnage, que nous appellerons le personnage de Gwenn, du nom de son interprète, Gwenn Buczkowski, se distingue du groupe. Elle entre en piste pour retirer la bâche qui laisse alors apparaître une table autour de laquelle se trouvent les interprètes. Lorsqu’ils se tournent vers le public, ce dernier les découvre en sous-vêtements couleur chair, avec brassière pour certains, et maquillés, de sorte à entretenir une apparence androgyne. Tous.tes enfilent, face au spectateur, une robe ample toujours couleur chair, grâce à laquelle ils.elles deviennent encore plus semblables. Fanny Gautreau, costumière, révèle les influences qui ont nourri cette création : « [l]e Bûto nous a inspirés pour la recherche d’unité de groupe, et nous a soufflé ces longues robes qui se lient aux corps et qui accompagnent le mouvement » (p. 30 du livret du spectacle).

 

Le premier numéro de contorsion reste, à l’image de l’ouverture du spectacle, collectif. Les corps qui étaient sous la bâche se trouvent maintenant debout sur une table et reforment cette masse, accentuée par les couleurs similaires des costumes mêlés à celles des peaux. Les lumières latérales et brumeuses participent de mélange des êtres. De cette masse émerge un corps, debout au-dessus des autres. La contorsionniste déploie ses figures lentes, portée par ses partenaires à bout de bras.

Croquis issu du carnet du spectacle

 

Le collectif finit par se retirer et la contorsionniste poursuit seule son numéro sur la table blanche, pendant que le personnage de Gwenn entre sur la piste, la bâche sur les épaules. Un autre membre du groupe prend un micro et prononce la première phrase du spectacle : « Nous étions une bande ». Ces paroles, ainsi que la présence de la bâche font écho au souvenir du groupe à présent disparu.

 

À la fin de ce numéro, comme ce sera le cas à la fin de plusieurs autres, on découvre quatre interprètes qui effectuent un pas de quatre, danse de ballet classique, tout en adressant au public un chant polyphonique depuis plusieurs endroits de la piste. Le pas de quatre et la polyphonie rappellent la codification et son aspect rigide, mais aussi la richesse de l’association des talents – les chants finissent par de belles harmonies.

 

Plus tard, le groupe revient sous sa forme initiale lorsqu’il installe, dans la pénombre de la scène, le portique aérien. Très lentement et avec gravité, chaque membre du groupe porte un élément de l’agrès sur leur épaule. Le texte prononcé par le personnage de Gwenn raconte une lapidation pour homosexualité et on ne peut s’empêcher de voir le portique en installation comme un instrument de torture. Il est au centre, dominant, en hauteur et le seul à être mis en lumière.

 

Croquis préparatoire Antoine Rigot et Alice Ronfard, issu du carnet du spectacle.

 

 

Le numéro de portique aérien commence précisément lorsque le duo est installé, que le groupe les regarde à terre et que le silence, après une chanson rock intense, s’est imposé. Très vite, plusieurs membres de groupe montent à l’agrès et recréent cette créature difforme, masse de corps semblables qui ne font plus qu’un. Le portique est recouvert et le groupe semble se confondre avec ce que le spectateur a pu associer à un instrument de torture quelques minutes auparavant.

 

(c) Christophe Raynaud de Lage

 

Tout au long du spectacle la piste ne sera jamais exclusivement occupée par un.e seul.e interprète. Quand bien même se jouerait un numéro solo, l’espace reste partagé, occupé par des partenaires. Relais du regard du spectateur, ils font aussi scénographie en structurant l’espace, tout en traduisant l’omniprésence du groupe et la tension qui l’accompagne.

 

Les relations interpersonnelles

 

De même, plusieurs disciplines s’associent en scène, à l’image du fil et de la capilotraction. L’agrès fil devient un accessoire de jeu pour l’acrobate suspendue par les cheveux qui passe au-dessus et en dessous. Un duo se forme alors avec la fildefériste. Toutes les deux se découvrent alors qu’elles connaissent un rapport inverse à l’équilibre, à deux extrémités du corps ; pour l’une la stabilité vient des pieds, pour l’autre des cheveux. Cette association permet un duo ludique et une relation qui, pour la première fois, se manifeste comme une source de joie. La fildefériste prend parfois appui sur l’acrobate capilotractée, en même temps que cette dernière occupe l’agrès qui n’est, à première vue, pas le sien.

 

(c) Christophe Raynaud de Lage

 

Le duo devient un trio lorsque l’acrobate capilotractée laisse place à deux machinistes. Sur le même mât chinois qui prend place sur un côté du fil, les deux interprètes se mêlent. Le corps de l’autre devient agrès et offre de nouvelles possibilités. La fildefériste les rejoint pour former le trio, représenté dans l’espace par le triangle qui apparaît à travers l’association entre le mât chinois et le fil. L’image positive du groupe est à nouveau exprimée dans la mesure où les corps jouent ensemble, se répondent, se soutiennent. Les costumes laissent cette fois apparaître des couleurs différentes au niveau du pantalon et trois individualités peuvent émerger. Enfin, la musique, guitare et batterie, apporte de la douceur à la scène.

 

(c) Christophe Raynaud de Lage

 

La séquence se clôt alors qu’il ne reste plus qu’un machiniste sur la piste. Son regard est tourné vers le personnage de Gwenn qui paraît le manipuler. Il imite ses gestes qui le mènent à ces derniers instants au mât chinois.

 

La relation interpersonnelle n’est pas toujours abordée selon ses bienfaits. Le numéro suivant met en piste un couple. Elle porte une robe de marié, lui une veste de costume blanche. Ils entrent en scène en courant main dans la main avant de s’arrêter face à un autre couple qui, quant à lui, a gardé les costumes de sous-vêtements couleur chair. Gwenn regarde la scène, dernière eux. À la manière d’une illustration par le corps des émotions et des sentiments des jeunes mariés, le couple en costume androgyne entame un duo d’acrodanse. Progressivement, les mariés se lâchent la main et la joie laisse place au doute. Gwenn tourne autour de sa chaine, le dos courbé, comme si elle portait leur souffrance. Trois espaces dialoguent sur la piste. Celui du jeune couple marié, qui donne à voir leur union, celui des danseurs, lieu de l’intériorité des personnages, et Gwenn, qui représente les sentiments des personnages de plus en plus sombres. Lorsque le premier couple retire son costume de marié, Gwenn se redresse enfin.

La mise en dialogue de différents espaces qui cohabitent sur la piste est récurrente dans ce spectacle qui donne à voir ce qui se joue dans un collectif, les interactions positives, les jeux de pouvoir, les déceptions, les rancunes, les ressemblances et les égarements. Les couples quittent la piste quand un autre entre en scène. Équipés d’un micro qui rend leur discussion publique, deux interprètes s’installent pour débattre des identités de genre. Le premier témoigne de son expérience à son interlocutrice qui a du mal à comprendre les enjeux de ces débats et leur intérêt. Gwenn a déplacé sa chaise et en tombe à plusieurs reprises. Ses mouvements sont mécaniques et répétitifs. En hauteur au centre de la piste se trouve une acrobate sur un trapèze volant et, couché au sol, le reste du groupe la regarde. Le spectateur découvre donc quatre espaces réunis par la lumière bleue. Un violoncelle accompagne le trapèze volant – à la manière des Arts Saut. Il impose le rythme qui véhicule l’urgence et fait écho au risque tout en soulignant le ballant. Le dialogue parlé est de plus en plus tendu, ils ne se comprennent pas. On ne peut alors s’empêcher de voir dans cette composition de différentes cellules scéniques l’individu qui souffre de solitude au sein même du groupe, qui parfois ne l’entend pas.

 

Frictions des individualités

 

Dès la première scène, le personnage de Gwenn se distingue. Elle n’est pas sous la bâche, mais marche autour. C’est elle qui finit aussi par la retirer. Hors du collectif mais présente sur la piste, entre l’intérieur et l’extérieur, Gwenn Buczkowski pense son personnage telle « la matrice du groupe, à la fois reine et paria, oscillant entre l’amour et la haine de son prochain » (p. 17 du livret du spectacle). Le spectateur se demande en effet de quoi ce personnage énigmatique peut être l’image. Qui est-elle ? Pourquoi est-elle toujours présente ? Pourquoi n’est-elle pas, comme les autres, intégrée au groupe ? Quel pouvoir a-t-elle sur celles et ceux qui ne semblent pas être ses associés.es ?

Pour son numéro, vers la fin du spectacle, la piste est presque vide – ce qui est rare. Elle ne la partage qu’avec un guitariste. La lumière bleue laisse aussi place à une pénombre qui fait malgré tout ressortir les tons beiges de son trapèze, de son costume et de sa peau. L’accompagnement à la guitare électrique et les mouvements saccadés reflètent une forme de violence qui correspond à la conception que le spectateur a du personnage de Gwenn.

 

À son image, d’autres personnages se confrontent au groupe. Suite au numéro de contorsion, Gwenn s’installe sur une chaise et observe une chorégraphie dans laquelle un des membres du groupe, qui s’en distingue par son pantalon bleu, semble se débattre et lutter contre trois partenaires en robe couleur chair. Le numéro de roue cyr reste collectif. L’acrobate partage son agrès avec le groupe, qu’il semble fuir. La piste n’est que très peu éclairée et le spectateur ne distingue pas les visages. La couleur du pantalon, mise en valeur par les tons bleus de certains projecteurs, est le seul paramètre qui détache son porteur du groupe. Le numéro se finit lorsque le groupe s’unit et marche en direction du personnage de Gwenn. Ils sont coordonnés et représentent un groupe soudé.

Une scène miroir se trouve vers la fin du spectacle, après le numéro de bascule. Alors que tous les interprètes portent une veste fabriquée avec la même matière que la bâche, l’une d’entre eux, la seule qui ne porte pas la veste mais un pantalon bleu, entame un numéro à la roue cyr. Le cercle de la roue cyr s’inscrit dans le cercle formé par le groupe à ce moment-là, lui-même prenant place dans celui de la piste et du cirque.

 

(c) Christophe Raynaud de Lage

 

Le comportement du personnage de Gwenn, qui évolue en dehors d’un groupe qu’elle observe, et dont on peut se demander si elle ne le dirige pas parfois, contamine certains de ses membres. Ainsi, juste avant le numéro de tissu, Gwenn, debout sur la piste, a les bras enlacés sur elle-même, comme si elle se réconfortait seule. Pendant ce temps, le spectateur découvre l’agrès, entouré d’une lumière bleue, qui devient grise dans la hauteur. Trois autres personnages regardent, assis à côté du tapis, un numéro empreint de solitude. Les pieds et les mains de l’acrobate cassent les lignes et expriment la difficulté d’un corps qui tente l’ascension au moyen d’un tissu qui, à plusieurs reprises, descend, laissant ses efforts vains. Arrivée au sol, l’acrobate quitte la piste dans la pénombre, tirant son tissu qui paraît alors d’un poids considérable.

 

Le numéro de bascule laisse aussi apparaitre les confrontations entre le groupe et les individualités. Alors qu’il avait commencé en silence, une musique mélancolique, aux cordes, donne à la scène une couleur sinistre. Un membre du groupe apporte à un acrobate une veste et un chapeau qui lui recouvre le visage, tous deux en matière polyane, souvenir de la bâche. Son visage devient un nuage aveuglant et rappelle au spectateur la coquille d’où provient le groupe. Le collectif serait-il une utopie, un rêve aveuglant les individualités ?

 

(c) Christophe Raynaud de Lage

 

Pendant que l’un d’entre eux déclame, voire crie, son discours aussi parodique que lugubre sur l’identité de l’artiste, un des acrobates ne cesse de se lancer sur la bascule pour chuter ensuite sur le tapis de réception. Le bruit que provoquent ces effondrements du corps sur le tapis, qui lui-même frappe le sol, ainsi que le discours d’indignation semblent finalement raconter l’échec. L’échec de celui qui, artiste dans ce cas, croit pouvoir sauver ses semblables.

 

Enfin, suite au numéro de trapèze du personnage de Gwenn, les membres du groupe installent un autre trapèze, au-dessus d’un tapis rouge. Autour de cet agrès, des couples se forment pour une valse.

 

Croquis de Sandra Reichenberger pendant les répétitions.

 

 

Chacun d’entre eux porte un jupon, à nouveau dans la même matière que la bâche. Gwenn se faufile entre eux et observe la scène pendant qu’une autre acrobate s’installe sur le trapèze au centre de la piste, dans l’espace privilégié et luxueux du tapis rouge.

 

(c) Christophe Raynaud de Lage

 

La valse s’accélère et certains la quittent pour regarder l’acrobate et accueillir ses figures. Ceux qui dansent encore finissent par se frapper ou tomber, de sorte que se mêle à la musique le bruit des bâches qui se frottent au sol ou entre elles. Le numéro se termine avec une lumière rouge intense qui donne à voir uniquement Gwenn lançant violemment le trapèze vers celle qui semble être sa rivale et qui paraît avoir à présent les faveurs du collectif.

 

« Et très bientôt, ayant quitté le nid douillet du Centre national des arts du cirque, la carapace difficile à pénétrer et instinctivement préservée par le groupe va disparaître, une mue ouvrira leur propre chemin [...] », Antoine Rigot, p. 5 du livret du spectacle.

Tout au long de ce spectacle poétique et philosophique, le spectateur assiste à l’intime d’un groupe, un groupe difforme, hybride, mais relié par le rythme, la lumière et, surtout, l’élément plastique de la bâche. Déclinée de la membrane dans laquelle ils se réfugient, aux chapeaux, vestes et jupons portés individuellement, elle participe à la « mue » de chacun.e vers l’individualité et l’émancipation. À l’instar du processus de création durant lequel les richesses comme les limites d’un ensemble uni ont été éprouvées, les relations entre le collectif et l’individu ne cessent, dans F(r)iction, d’être expérimentées, rejouées et transformées.

 

Karine Saroh

 A découvrir le carnet du spectacle sur ce lien

 

Les artistes interprètes de la 30e promotion :

Bascule coréenne - Banquine : Rémi Auzanneau Hernan Elencwajg,Tanguy Pelayo et Baptiste Petit

Mât chinois ; Joad Caron et Léon Volet

Portique coréen: Johannes Holm Veje  (porteur) et Martin Richard (voltigeur)

Portés acrobatiques : Hamza Benlabied (porteur)

Roue Cyr : Lili Parson et Jules Sadoughi

Trapèze fixe ; Gwenn Buczkowski

Trapèze ballant basse hauteur : Léa Leprêtre

Trapèze ballant : Sandra Reichenberger

Contorsion – Equilibre- Acrobatie : Lucille Chalopin

Fil : Poppy Plowman

Tissu : Noémie Deumié

 

L'équipe artistique et technique

 

Antoine Rigot et Alice Ronfard Mise en scène, dramaturgie et scénographie - Gaspard Panfiloff Composition musicale - Julie Basse Création lumière - Fanny Gautreau Création costumes - Irène Bernaud Assistante costumes - Julien Mugica Régie générale - Jacques Girier Régie plateau - Vincent Griffaut Régie lumière - Robert Benz Régie son

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Vanavara - Gaëtan Levêque / Collectif AOC en collaboration avec Marlène Rubinelli et Chloé Duvauchel

Vanavara, spectacle de fin d’études de la 28e promotion du CNAC

Mise en scène Gaëtan Levêque / Collectif AOC en collaboration avec Marlène Rubinelli - Giordano et Chloé Duvauchel

 

Vanarava est le spectacle de fin d’études de la 28e promotion du CNAC avec Theo Baroukh aux sangles, Nora Bouhlala Chacon à la corde, Nicolas Fraiseau et Camila Hernandez au mât chinois, Marlène Vogele au trapèze ballant, Anahi De Las Cuevas au cerceau aérien, Lucie Lastella-Guipet à la roue Cyr, Thomas Thanasi au trampoline, Adalberto Fernández Torres à la contorsion, Clotaire Foucherau à l’acro-danse, Johan Caussin aux acrobaties, Sébastien Davis-Van Geldern, Peter Freeman (porteurs) Löric Fouchereau et Blanca Franco (voltigeur.se) aux portés acrobatiques.

 

Le titre de ce spectacle n’est pas sans rappeler celui de la 11e promotion du CNAC : Vita Nova, mis en scène et chorégraphié par Hela Fattoumi et Éric Lamoureux. Cela n’est pas un hasard. Les trois co-metteur.e.s en scène de Vanarava – Gaëtan Levêque entouré de Chloé Duvauchel et Marlène Rubinelli-Giordano du collectif AOC (Artistes d’Origine Circassienne) – ont joué dans Vita Nova. « Du spectacle Vita Nova, qui nous a vus naître en 1999, au présent Vanarava, il y a l’engagement dans un cycle, la mise en abîme d’un vécu qui se partage et qui se transmet[i]. »

 

Le terme « Vanarava » fait référence à un dramatique événement qui a frappé une collectivité russe perdue en plein milieu de la plaine sibérienne, au nord de la Mongolie, région où il fait particulièrement chaud tout au long de l’année. Le 30 juin 1908, quelque chose (sans doute un astéroïde) y a explosé. La déflagration s’est propagée jusqu’au cercle arctique, situé à plus de 1 500 km de là. Des secousses sismiques se sont déclenchées dans le monde entier. Des phénomènes lumineux étonnants se sont produits dans toute l’Europe : à Londres, des nuits d’une blancheur irréelle se sont installées pendant plusieurs semaines. Dans la région de Toungouska, les conséquences de l’explosion furent beaucoup plus tragiques : les huttes de nomades transhumant dans les forêts se sont envolées, les animaux (et certains êtres humains) sont morts brûlés. Un témoin rapporte avoir aperçu un objet céleste énorme et brillant, suivi par un long sillage de poussière et de fumée qui s’est mis à dégager une chaleur telle que ses vêtements ont commencé à prendre feu. On estime aujourd’hui que la puissance de l’explosion était plus de 200 fois supérieure à celle des bombes nucléaires qui se sont abattues sur Hiroshima et Nagasaki les 6 et 9 août 1945[ii]. Le 30 juin 1908, les tribus Toungouzes pensèrent que la fin du monde était venue.

 

Les membres du collectif AOC ont décidé de prendre cet événement pour point de départ de leur spectacle afin d’explorer, de façon radicale, la nécessité de s’affranchir du passé et de construire l’avenir, nécessité à laquelle se trouve confronté.e.s  les étudiant.e.s de la 28e promotion, qui s’apprêtent à quitter le CNAC après leurs trois ans de formation pour entrer dans la vie professionnelle. Comme tous les spectacles du collectif AOC (Artistes d’Origine Circassienne) Vanarava mêle cirque, danse, musique et théâtre.

 

 

 

UN DÉCOR CHAOTIQUE ET MINÉRAL

 

Au début de Vanarava, la piste et les gradins sont plongés dans le noir, puis la lumière se fait depuis une grande cerce lumineuse accrochée en hauteur, premier élément scénographique que le public découvre. Goury a l’habitude de travailler sur la circularité. Pour Le Procès de Kafka mis en scène par Philippe Adrien avec la Compagnie du Troisième Œil (2004), il avait imaginé une scénographie composée d’un cercle central fixe et d’un anneau extérieur mobile, que les comédien.ne.s manipulaient à vue. Ce choix scénographique mettait particulièrement en valeur la paranoïa du personnage principal. Pour Vanarava, la cerce lumineuse peut être vue comme un moyen de revisiter la sacro-sainte piste circulaire de treize mètres de diamètre sans passer par le sable nécessaire aux numéros équestres. En dessinant la piste dans les airs, la cerce lumineuse fait plutôt écho à la Roue Cyr et au cerceau, deux disciplines présentes dans Vanarava. Au-delà de cette réappropriation des codes par le cirque contemporain, cette cerce appelle une transcendance et donne d’emblée une dimension mythologique voire mystique au spectacle. Compte tenu de sa blancheur éclatante et de sa forme circulaire, on pense aux anneaux de Saturne, à l’œil d’un cyclope ou encore au yin et au yang.

 

L’intensité lumineuse de cette cerce monte progressivement, comme si le jour se levait, éclairant une piste aux allures de cratère. Le sol n’est pas parfaitement plat et est tantôt noirci, tantôt blanchi, tantôt grisé, comme s’il avait été carbonisé. Sur cette cendre, les arbres semblent morts tandis que les pierres ont manifestement résisté à la catastrophe qui a eu lieu. L’ensemble du décor est marqué par la minéralité et le chaos. Comme dans la plupart des spectacles du collectif AOC (La syncope du 7, Question de directions, Je suis un sauvage, Autochtone, Maalâm, Un dernier pour la route …), on retrouve un trampoline. Dans Vanarava, il n’est pas placé au milieu de la piste mais en fond de scène, en diagonale, un peu désaxé et est accompagné d’un mur en (fausses) pierres. Tous les agrès (mur-trampoline, sangles, trapèze, corde lisse, cerceau et mât chinois) sont fixes et apparents dès le début du spectacle, ce qui accentue l’impression d’immuabilité que peut ressentir le public. Ce qu’il voit semble avoir été là de toute éternité.

 

Extrait de la captation Vanavara, 2016
« Plan de feux cirque historique, Châlons-en-Champagne », Document technique CNAC, 2016
 « Plan de feux chapiteau du Cnac, Châlons-en-Champagne », Document technique CNAC, 2016

 

 

Dans ce paysage de cendre, de pierres, d’arbres et de rochers, Marlène Rubinelli-Giordano a amené les étudiant.e.s à « rentrer dans une conscience corporelle et à travailler sur les chaînes musculaires et osseuses » pour construire « des postures, des déplacements, des mouvements minéraux[iii]. » L’enjeu du travail chorégraphique était d’ « épurer le geste [pour] trouver l’essentiel du mouvement[iv] ». Les mouvements sont comme des rochers à tailler, des cailloux à polir.  La scène de lave[v] est particulièrement impressionnante : les interprètes tombent du mur accolé au trampoline tels des pans entiers de terre se décrochant d’une montagne, puis glissent au sol comme de la lave en fusion, capable de tout engloutir sur son passage. Les gestes sont précis, l’écoute est totale si bien que l’on a véritablement l’impression de voir une sorte de vague déferler sur la piste.

 

« Croquis scénographie », Document technique CNAC, 2016

 

UNE SCÉNOGRAPHIE MOUVANTE ET MUSICALE

 

Le public n’est pourtant pas face à une installation d’art contemporain à contempler mais bel et bien devant une scénographie traversée et bouleversée par des corps de circassien.ne.s. L’artificialité voire le kitsch est progressivement révélée et assumée. À un moment donné du spectacle, alors que tous ses camarades portent des couleurs sombres telles qu’ils se fondent dans le décor, Camila Hernandez entre en piste vêtue d’un manteau jaune et explose de rire – sans doute à cause de l’incongruité de ce qu’elle voit. Lorsqu’elle pose sa main sur un autre interprète, elle est manifestement surprise et a du mal à savoir s’il s’agit d’un humain ou d’une roche. Elle se met cependant à déplacer des rochers avec une facilité telle qu’elle révèle leur facticité, leur côté « carton-pâte ». Ce personnage burlesque qui casse les codes de la représentation théâtrale a un côté très brechtien. En revoyant la cerce dont Hervé Gary, le créateur lumières, explique qu’elle a aussi « servi pour donner cette distance nécessaire, l’humour, le clin d’œil[vi] », on pense au Cercle de craie caucasien.

 

Cette référence vient d’autant plus facilement à l’esprit de certain.e.s spectateurs.trices que Lucie Lastella-Guipet se met rapidement à dessiner à la craie blanche. Les premiers dessins qu’elle trace au sol sont petits et circulaires, rappelant la Roue Cyr dans laquelle on l’a vue évoluer au début du spectacle. Au fil du spectacle, ils envahissent l’ensemble du décor. Celui qu’elle esquisse sur la passerelle qui se détache du trampoline est particulièrement impressionnant.

 

 

Extrait du livret du spectacle - croquis de Lucie Lastella-Guipet, 2016

Au fur et à mesure du spectacle, les artistes en piste se réapproprient et restructurent l’espace. Ils volent au-dessus des arbres puis les redressent. Ils contournent les rochers, les font glisser au sol et finissent par les soulever pour bâtir une sorte de totem final qui fait écho aux dessins rupestres de Lucie. Collectivement, ils construisent autre chose avec ce qui existe déjà. Les éléments scénographiques deviennent des « éléments de leur nouvelle vie après le Cnac. Ce sont à la fois les vestiges d’un monde passé et les éléments nécessaires pour construire leur nouvelle vie[vii] ». L’espace n’est ni mort ni figé. La vie continue, autrement.

 

Extrait du livret du spectacle
« Croquis scénographie », Document technique CNAC, 2016
« Croquis scénographie », Document technique CNAC, 2016
« Croquis scénographie », Document technique CNAC, 2016

 

La transformation de l’espace n’est pas seulement visuelle, elle est aussi sonore. Dans Vanarava, les étudiant.e.s du Cnac ne sont pas seulement circassien.ne.s, ils sont aussi musicien.ne.s. Bertrand Lanheuser et Stéphane Poidevin ont composé des musiques en fonction des capacités et des envies de chacun.e. Certain.e.s grattent des cordes de guitares, d’autres soufflent dans des trompettes ou dans des conques. Mais ce n’est pas tout. Au début du spectacle, des bruits de grincement se font entendre. Lorsque la lumière gagne en intensité, le public repère qu’ils proviennent de la roue Cyr de Lucie. De la même manière, au fil des rebonds de Thomas Thanasis on comprend que le trampoline est sonorisé. « Les corps sonores du spectacle ont été les premiers éléments de notre construction musicale.[viii] »

Contrairement à d’autres spectacles de cirque, le déplacement des éléments scénographiques n’a pas (seulement) pour but de permettre aux artistes d’aller de plus en plus haut, de réaliser des figures de plus en plus impressionnantes. Dans Vanarava, le décor et les accessoires se transforment en instruments de musique. Purement figuratifs dans les premiers tableaux, les rochers et les pierres deviennent des sortes de tambours et de xylophones. La métamorphose la plus impressionnante reste néanmoins celle des arbres. Grâce à une petite lutherie bricolée par l’équipe technique, les étudiant.e.s parviennent à en tirer des sons. Intégrée à la scénographie, la musique complète et renforce la dramaturgie de Vanarava. « Ici s’est imposé un rituel sonore propre à cet espace irréel : des sonorités profondément enracinées, des textures organisées en harmoniques naturelles, des instruments primitifs, issus d’une lutherie de survivance... [ix]. »

 

Extrait de la captation Vanavara, 2016
Extrait de la captation Vanavara - Anahi De Las Cuevas, 2016

 

UN RITE INITIATIQUE

 

Dans Vanarara « le public – assis sur le talus circulaire – et les artistes – au milieu, en arène – [sont] réunis pour une sorte de culte[x] ». Les spectateurs.trices sont convié.e.s à une sorte de renaissance. Ils et elles sont même pris à témoin par les étudiant.e.s. « Je voulais aussi que les artistes s’adressent directement au public en circulaire. Aller chercher de près les regards puis les amener à suivre les corps dans l’espace[xi]. », explique Marlène Rubinelli-Giordano. Pourtant, compte tenu de la scénographie, ils et elles doivent se résoudre au fait de ne pas pouvoir tout voir tout le temps, accepter que certaines choses leur échappent. Ils doivent faire confiance à la musique et à la lumière, qui soutiennent le cheminement initiatique des étudiant.e.s de la 28e promotion du Cnac. Bertand Landhauser explique ainsi qu’il s’est appliqué à « développer une lente progression, d’un monde ténébreux à une humanité lumineuse, évolution mue par une force de gravité tonale et structurelle[xii]. » Dans leur structuration progressivement, les sons guident l’harmonie qui se construit lentement au plateau – harmonie des corps entre eux et harmonie des corps dans leurs interactions avec leur environnement. La musique accompagne également la descente de la cerce lumineuse suspendue en hauteur. Au fur et à mesure du spectacle, elle s’incline graduellement vers la piste, qui se retrouve donc de plus en plus fortement éclairée. Vanarava commence dans l’obscurité avec des interprètes qui ont du mal à trouver leurs marques dans un paysage dévasté et finit en pleine lumière sur un espace réhabité par des artistes qui regardent tous dans le même sens, vers la cerce lumineuse sans doute symbole d’avenir.

 

Extrait du livret-spectacle, 2016

 

 

Loin d’être linéaire, ce parcours initiatique est marqué par différents caps à franchir. Le livret du spectacle indique une structuration en onze temps (prologue, étrange, lave, jaillissement, bancal, dense, gravitation, absurde, folie, écho, envolée), chacun associé à des « mots guides » (évènement perturbation, mutation, engloutissement, extraction, maladresse, résurgence, suspension, se redresser s’atteler à …, émancipation, hésitation, libération)[xiii].

 

Après le prologue de la roue Cyr, la piste est envahie d’êtres monstrueux, hybrides, mutants, qui entrent en scène depuis les coulisses ou depuis l’espace situé sous le trampoline, sorte de caverne. Nous avons l’impression de nous retrouver face à la représentation de mythes venus de la nuit des temps. Les premiers portés construisent des figures de centaures, Anahi de Las Cuevas se sert de son cerceau pour mieux déformer son corps. Après la catastrophe à laquelle le public n’a pas assisté, l’émergence de la vie se fait dans la confusion. La suite du spectacle est marquée par de multiples tentatives de structuration, dans une quête d’élévation et d’humanité – les deux allant de pair.

 

Sébastien Davis-Van Gelder et Blanca Franco émergent de la masse de leurs camarades, qui rampent au sol comme des bestioles grouillantes ou de la lave en fusion, mais finissent par être entraînés en dehors de l’espace de jeu.  Celui-ci est alors investi par Johan Caussin qui en explore les différents niveaux : dans son acro-danse, il prend appui sur les rochers pour mieux se frayer un passage entre les arbres. Il est interrompu par Camila Hernandez qui entre en piste un rocher à la main, en criant et en courant, avant de trébucher et tomber. Ce qui va lui arriver à chaque fois qu’elle va chercher à s’élever : que ce soit sur son mât chinois – sous le regard attentif de ses partenaires de jeu – ou dans son duo avec Nicolas Fraisseau, marqué par des à-coups, des échecs et les chutes.

 

 

Extrait de la captation Vanavara, 2016

 

C’est finalement le trampoline qui met sur la piste de l’élévation. Thomas Thanasis commence par s’étonner des possibilités de rebond qu’offre cet agrès puis se met à en jouer. Le trampoline ouvre littéralement la voie aux agrès aériens puisqu’une sorte de passerelle s’en détache, grâce à laquelle Anahi monte au cerceau. Cette prise de hauteur lui permet d’effectuer des mouvements de balancier qui rendent son numéro beaucoup plus fluide et léger que le premier. Le public a d’autant plus l’impression de la voir s’envoler dans les airs qu’elle évolue à l’intérieur de la cerce lumineuse qui s’est rapprochée de la piste. C’est également le cas de Théo Baroukh : dans le tableau qui suit, il monte plus encore plus haut qu’Anahi, à l’aide de ses sangles. Accompagnés du chant de Lucie Lastella-Guipet, ses mouvements semblent défier les lois de la gravité. Il s’agit là d’un moment charnière du spectacle.

 

Extrait de la captation Vanavara, 2016

 

 

À la suite de ce numéro que Peter Freeman et Löric Fouchereau redressent les arbres, entre deux portés acrobatiques, puis que Thomas Thanasis et Nicolas Fraiseau empilent des rochers et montent dessus. Certes, la structure finit par s’écrouler, mais l’idée et l’envie de se (re)dresser est bel et bien là. Le trampoline devient un agrès où la recherche d’élévation de fait à plusieurs :  après avoir effectué des pyramides humaines de plus en plus hautes, les interprètes se jettent du mur, rebondissent sur le trampoline et remontent, dans une sorte de mouvement perpétuel, tandis que Nora Bouhlala Chacun commence à grimper à la corde lisse. C’est au cours de sa prestation que l’on voit pour la première fois les artistes en train de jouer de la conque. À la fin de celle-ci, Nicolas Fraiseau sort d’un amas de pierres et monte au mât chinois où il effectue beaucoup moins de chutes et de rattrapages que Camila Hernandez en début de spectacle. Pendant ce temps, Marlène Vogele s’installe au trapèze ballant puis s’élance dans les airs. La vitesse fait voler sa jupe et ses cheveux. Tandis qu’elle s’élève de plus en plus haut pour effectuer des figures de plus en plus périlleuses, ses camarades restés au sol montent sur les épaules les un.e.s et érigent une sorte de totem, sur lequel se clôt le spectacle.

 

Extrait de la captation Vanavara, 2016
Extrait de la captation Vanavara, 2016

 Marie Astier

 

A découvrir le carnet du spectacle sur ce lien

 

Extrait de la conduite, Document technique, Cnac, 2016

 

L'équipe artistique et technique

 

Gaëtan Levêque Mise en scène, Marlène Rubinelli-Giordano Chorégraphie, Chloé Duvauchel Collaboration artistique, Goury Scénographie, Hervé Gary Création lumière, Bertrand Landhauseur Composition musicale, Stéphane Podevin Composition musicale, Mélinda Mouslim Création costumes, Julien Mugica  Régie générale, Jacques Girier Régie plateau, Vincent Griffaut Régie lumière, Stéphane Podevin Régie son

 

 

 

[i] Gaëtan Levêque pour le collectif AOC, feuille de salle du spectacle (que l’on peut retrouver dans le dossier pédagogique, p. 12)

[ii] « Quelque chose a explosé avec la puissance de 1000 fois la bombe Hiroshima, dévastant plus de 2000 km2 d'arbres et de faune » (dossier pédagogique, p. 13), « Comment représenter cet endroit frappé par

250 fois les bombes de Nagasaki et d’Hiroshima ? » (livret texte, p. 12).

[iii] Marlène Rubinelli-Giordano, livret-texte du spectacle, p. 9.

[iv] Marlène Rubinelli-Giordano, entretien réalisé par Cyril Thomas en septembre 2016, dossier pédagogique du spectacle, p. 10.

[v] Selon la nomination donnée par Marlène Rubinelli-Giordano elle-même.

[vi] Hervé Gary, livret-texte du spectacle, p. 12.

[vii] Gaëtan Lévêque, entretien réalisé par Cyril Thomas en septembre 2016, dossier pédagogique du spectacle, p. 11.

[viii] Stéphane Poidevin, livret-texte du spectacle, p. 15.

[ix]  Bertrand Lanhauser, livret-texte du spectacle, p. 14.

[x] Goury, livret-texte du spectacle, p. 12.

[xi] Marlène Rubinelligiordano, livret-texte du spectacle, p. 9.

[xii] Bertrand Lanhauser, livret-texte du spectacle, p. 14.

[xiii] Livret-texte du spectacle, p. 16.

 

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