Christophe Huysman Human (articulations) de 2006 et la reprise de répertoire Human (articulations II) en 2019
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Createdmercredi 13 mai 2020
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Created byTechnique
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Last modifiedsamedi 30 mai 2020
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Créé en 2006 par la compagnie Les Hommes Penchés, Human (articulations) mélange cirque et théâtre. La parole est omniprésente, les mouvements ne sont dictés par aucune psychologie et se combinent aux lignes graphiques d’un espace abstrait. Des tapis de danse gris et un cyclorama de 12x10 mètres sont le fond sur lequel la structure scénographique et les interprètes se détachent. Nous sommes dans l’espace des êtres humains perdus, de l’absurde contemporain. Le spectacle de Christophe Huysman fait l’objet d’une reprise de répertoire au CNAC en 2019 : Human (articulations II). La « Pièce de cirque » est ainsi une suite d’articulations spatiales, soit une infinie variation et recomposition selon les lieux où elle a été répétée et montée. Elle est aussi l’articulation d’une parole syncopée qui avance en cercles concentriques, issue de plusieurs corps anonymes et plein de dérision, répartis dans la scénographie. En 2019, elle n’est plus occupée par 6 interprètes, mais par les 14 étudiant.e.s de la 32ème promotion du CNAC. La structure scénographique est reconstruite selon le même schéma, mais le spectacle a lieu sur une piste bien différente, du moins pour une partie des représentations. À la place de la scène étroite du Tinel de la Chartreuse (Villeuneuve-lez-Avignon), la reprise joue sa première sur une piste circulaire, sous le chapiteau en dur de Châlons-en-Champagne. Les deux versions de Human nous confrontent aux multiples visages d’une scénographie épurée aux axes forts, mais sans cesse recomposée : l’espace du spectacle est fragmenté par les lignes, les séquences et la parole. Plus que d’être un simple lieu, elle agit comme une partition dynamique.
La structure matérielle : les agrès
Human (articultions) est une « Pièce de cirque pour 6 interprètes, 3 mâts chinois, 1 cadre fixe, 2 aiguilles, 1 échelle »[2]. Les agrès sont des acteurs à part entière dans l’élaboration du sens du spectacle. Ils tiennent une grande place dans le travail de Christophe Huysman avec des artistes de cirque, car ils sont l’appui d’un jeu physique et créateurs de rythme[3]. La scénographie de Human a été conçue par Gérard Fasoli à partir des agrès des interprètes. L’ensemble du spectacle a été élaboré en s’appuyant sur la technique de chacun, donc pour une équipe particulière et dans une écriture de plateau, texte compris[4]. Espace et texte se combinent pour former un nouveau langage.
« La scénographie va dessiner l’écriture du texte, explique Gérard Fasoli. Sur Human, c’est après avoir rencontré les interprètes que j’ai composé la scénographie ; une fois que j’ai su avec quel type d’acrobates on allait travailler, on a su quel sens on voulait développer. Avec Christophe, on essaie de se rejoindre dans le sens ; c’est pour ça qu’il y a ces aiguilles verticales, dans une espèce de fuite, une asymétrie qui peut se mettre au service d’un sens. »[5]
Les éléments de la structure scénographique répondent tous à deux exigences : offrir à chaque interprète un espace d’expression, qui corresponde à sa technique, et s’intégrer à un dispositif scénographique cohérent et stable, tenu d’un bloc. En 2019, ce sont les interprètes qui à la fois s’adaptent à la structure, à la fois l’investissent avec leurs propres corporalités – ce que permet l’apparente simplicité de la scénographie. Celle-ci est une structure épurée, constituée uniquement d’agrès ou de surfaces praticables et longilignes. La forme de base en est simple : trois mâts chinois disposés en triangle, reliés en leur sommet par un pont métallique. Ils constituent la colonne vertébrale d’une scénographie qui s’étire vers le haut, et que n’alourdit aucune paroi ni aucun accessoire. À ces mâts s’ajoutent un cadre suspendu, qui ne dessine que quelques segments noirs dans le haut de l’espace, et deux barres ou plateformes mobiles. Montées sur roue, elles tournent autour du mât chinois situé à cour et sont nommées « aiguilles ». La barre de la grande « aiguille » a été imaginée pour remplacer un fil tendu, trop contraignant à installer, et donner ainsi un espace d’expression au fildefériste. Elle se caractérise alors par sa finesse et par sa capacité à traverser l’espace de la scène. La couleur pâle des « aiguilles » leur permet de tracer des axes sans déconstruire la structure d’ensemble. Il s’agit d’habiter l’espace avec les lignes des agrès et les barres de la structure.
La structure ne comportant aucune paroi, elle laisse sur scène un espace très dégagé. Si elle l’occupe visuellement par diverses lignes, son caractère épuré ménage du vide et une surface de jeu au sol très importante. Le dégagement de l’espace au sol répond à une nécessité pratique : celle de pouvoir faire tourner les deux barres horizontales, nommées « aiguilles ». Montées sur roues, elles tracent des cercles de diamètres conséquents, la plus grande coupant nettement l’espace de circulation entre les mâts chinois. Le dégagement potentiel de la surface ne signifie pas que la scénographie n’organise pas cet espace au sol. Au contraire, elle le structure discrètement mais fortement : la disposition en triangle des mâts chinois crée une première centralité, soutenue par la création lumière. L’espace de jeu est souvent situé dans les limites de ce triangle, lui-même matérialisé par les barres du pont en hauteur qui relie les agrès.
Axes : un dessin sans volume
Les agrès tracent la structure à coup de segments droits – tellement droits que les plans peinent à donner une idée en volume de la scénographie. Si une scénographie de cirque est censée se penser en 3 dimensions, celle de Human refuse la profondeur.
La salle où l’on allait jouer HUMAN à Avignon a aussi imposé ses contraintes : au Tinel, le rapport scène-public est très pentu, avec très peu d’ouverture. Cela a été un facteur déterminant dans la dimension de verticalité et de perspective du dispositif.[6]
Human (articulations) a en effet été créé en 2006 sur la scène du Tinel de la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon : une scène frontale et étroite. La scénographie ayant été pensée pour ce lieu, elle occupe tout l’espace disponible et en exploite la forme. Elle ne s’étend pas en largeur mais vers le haut. Les trois mâts chinois mesurent 6 mètres et leur sommet n’est pas caché. Lorsque l’ensemble de la structure est en lumière, l’aire de jeu est comme étirée par ces lignes verticales. Pour Human, la perspective fonctionne sur un autre principe que celui de profondeur, quant elle n’est pas simplement niée : elle obéit à la logique de l’anamorphose. Certaines ombres, comme celle de l’échelle, utilisent ainsi le principe de l’anamorphose pour dessiner de nouvelles lignes diagonales sur scène.
Néanmoins, plus que la géométrie de la construction, c’est la surface lisse sur laquelle elle se découpe et la création lumière qui contrecarrent la mise en volume. Le cyclorama disposé en fond de scène est une grande toile grise, plus ou moins opaque selon la manière dont elle est éclairée. Souvent, les mises en scène qui utilisent un cyclorama l’éclairent en couleur, avec des projecteurs situés derrière la toile : le cyclorama permet alors de créer des effets de dégradés, de ciel, de soleil couchant… Dans Human, le cyclorama sert au contraire à créer une forme de boîte blanche irréelle – ici à dominante grise. Le principe de la boîte blanche tend souvent à effacer la profondeur au profit d’une inquiétante 2D ; dans Human, l’effet n’est cependant pas poussé jusqu’à devenir source de malaise. Éclairée de face, la toile du cyclorama est exploitée en temps que grand aplat gris, surface sans fond. L’éclairage du reste de la scène soutient cet effet. Sur les plans de feux, on compte moins de projecteurs placés en contre (éclairant les interprètes par derrière) qu’en face. Or c’est la lumière issue des contres qui crée et accentue les reliefs des corps, là où la lumière provenant de la face permet de distinguer les visages mais aplatit les formes. Certains des projecteurs assurant les contres sont plus puissants que ceux de la face (projecteurs Fresnel 2kw), mais ils visent plutôt la zone au centre de la structure que l’ensemble du plateau. De nombreuses douches ou des découpes spécifiques isolent des zones mais sans accentuer leur profondeur. La logique n’est jamais entièrement celle de la perspective.
« Vous avez dit humanité ? »[7]
L’espace géométrique et abstrait de la scénographie rappelle une forme de constructivisme : une machine à jouer, un environnement praticable sensé donner des appuis aux acteurs loin de toute psychologie. Le croisement entre cirque et théâtre, actes physiques et texte, nous pousse à interpréter, à vouloir donner un sens à l’environnement dans lequel évoluent les interprètes. Le constructivisme a été inventé par Meyerhold comme une technique évoquant le monde mécanique du travail. Si nous en retrouvons une forme ici, ce n’est pas pour renvoyer au monde ouvrier. La scénographie n’a pas de référent précis et direct. Comme le texte, elle « reflète » ce qui a traversé l’auteur et l’équipe au moment de la création : être « concerné par ce qu’il se passe », par un certain état du monde, de la société, de la politique. Human (articulations) est le « poème de gens traversés par tout ce qui nous entoure aujourd’hui »[8]. La scénographie serait plutôt construite pour accueillir l’absurdité de l’humain contemporain. Des prolétaires, nous sommes passés aux « p’tits gens »[9], aux êtres « Perdus », aux « Arpenteurs » de cet espace gris. Ils sont les points colorés s’agitant sur les multiples trajectoires linéaires ou concentriques d’un lieu fermé, dans leur cerveau, employés « À remuer l’air »[10] tandis que les préavis de grève se déploient en forme de poème vocal. Le texte se compose et se décompose perpétuellement pour formuler une critique sociale, où le corps et le geste présent du circassien restent néanmoins premiers. En étant uniquement composée d’agrès, en se refusant à toute approche psychologique et en valant pour elle-même, la scénographie est aussi l’élément qui nie sa propre interprétation. Elle est instrument de cirque et lieu de la parole.
Le souffle des agrès
Les agrès et éléments de la scénographie sont des outils de jeu : ils donnent aux interprètes un rythme. Dans la version de 2006, ces derniers ont une manière de parler très particulière. Les phrases sont coupées et accentuées d’une façon qui n’a rien de quotidien ou de réaliste. Lorsque Christophe Huysman prend la parole, il propose une musicalité. Sa diction et ses phrases tournent, montent, descendent, comme les artistes de cirque sur les mâts chinois. C’est le traitement corporel du texte qui permet de donner un sens aux phrases prononcées : la dramaturgie consiste en une approche physique de l’espace et du texte. Les Pièces de cirques correspondent à des « écritures beaucoup plus syncopées, par segments souvent courts »[11], pensées de manière différentes selon les pièces. Pour Espèces, le trampoline imposait un rythme vif et rebondissant. Pour Human (articulations), l’équipe cherchait un allongement et une variation grâce à l’étirement de la structure. Les répliques s’enchaînent, mais pour créer une longue et permanente occupation de l’espace. La répartition de la parole dans la durée et entre les interprètes est guidée par la position occupée dans la scénographie. Celle-ci est une composante essentielle du rythme. Elle implique une certaine respiration.
Les agrès, pris indépendamment, donnent une impulsion à la parole : ils modifient la diction et produisent des intentions de jeu. Ils sont partenaires de jeu. Ici, l’acte donne la parole et le mouvement lui donne son souffle.
Dans Human, Antoine fait un grand monologue sur son statut d’assisté social, juché sur une tournette. Non seulement son équilibre est instable, mais on lui a aussi donné des actions à effectuer pour obtenir des impulsions justes sur le texte. Si on l’avait mis au milieu du plateau en position de récitant, n’ayant pas la technique de comédien, il n’aurait pas forcément trouvé l’état de corps juste…[12]
En 2019 pour Human (articulations II), la tournette transforme le monologue selon un rythme inversement proportionnel à sa vitesse de rotation : plus elle va vite et déstabilise l’interprète, plus les mots s’allongent.
Néanmoins, le rapport entre les interprètes et les agrès n’est pas le même entre la création de 2006 et les premières représentation de la reprise en 2019, à Châlons-en-Champagne. Deux types d’impulsions se distinguent – et c’est peut-être là que réside l’écart majeur entre les deux versions. Pour la création au Tinel de la Chartreuse, le mouvement des aiguilles, les équilibres et les torsions des corps induisent des modulations de la parole. Il s’agit d’en trouver les impulsions internes. Le fildefériste ne propulse pas sa voix grâce à la barre de l’aiguille, mais s’appuie sur son équilibre et sa traversée pour donner à son monologue sa juste respiration. De même pour les interprètes accrochés au pont suspendu : le rapport à l’agrès est un souffle à exploiter dans la durée, quand bien même il serait rapide et syncopé. Le rapport physique à l’espace praticable est l’outil d’une forme de justesse du jeu. Lors des premières représentations de la reprise de 2019, la montée sur l’agrès et le mouvement du corps servent à lancer la parole. Il s’agit cette fois d’une impulsion du démarrage. Plus que de donner une modulation musicale à la parole, la scénographie et les gestes fonctionnent comme des aires de lancement, des machines à propulsion de la voix. L’enjeu reste cependant le même : trouver un état de corps et s’appuyer sur la configuration de l’espace de jeu pour que naisse une parole.
Les lois du réel
La graphie de la structure confronte alors les interprètes à ce que le scénographe Goury nomme les « lois du réel » :
Le circassien, lui, est présence et se confronte aux lois du réel : les forces, la gravité, la verticalité et l’horizontalité, le cycle… […] Cela me pousse à travailler à partir de formes fondatrices, qui renvoient à la géométrie ou à la physique et se rapprochent de l’expérience circassienne du plateau ou de la piste.[13]
Les trois mâts chinois forment des axes verticaux – et c’est là leur principale valeur au sein de la scénographie et du spectacle. Ils sont soutenus par l’échelle, seul élément supplémentaire qui n’apparaît pas sur les plans. Les petites lignes horizontales des échelons habitent l’espace entre les deux mâts chinois de gauche, sans déroger à la graphie d’ensemble et sans impliquer d’effet de perspective. Aussi haute que les mâts chinois, l’échelle forme une sorte de pilier supplémentaire de la structure, qui s’élève vers le haut. Contre cette verticalité statique, fixe, les deux « aiguilles » pivotantes défendent l’axe horizontal. Les équilibres, traversées ou mouvements effectués sur les agrès sont visuellement simples et efficaces – et techniquement accessibles pour les interprètes. Ils mettent d’autant mieux en valeur les axes géométriques de la structure, avec lesquels ils s’harmonisent parfois complètement. La gestualité proposée dans Human correspond à la scénographie, sans psychologie aucune.
La figure du cercle et du cycle est également présente tout au long du spectacle - elle se combine avec le règne de la ligne droite. Elle est introduite par la rotation des « aiguilles », dont l’une contient même une tournette, imbriquant les uns dans les autres circularités et tournoiements. Obsession du temps, étirement cyclique et absurdité du « petit tour » qui tourne en rond se font sentir. Alors que les droites et segments permettent aux interprètes de se suspendre ou de dessiner l’espace avec leur corps, les cercles ont tendance à isoler ou enfermer, en resserrant visuellement l’espace de jeu. Plusieurs séquences sont éclairées par des ronds de lumière bien dessinés : ils fonctionnent en douche, c’est-à-dire en étant tracés sur le sol et non sur le mur du fond (la lumière provient du haut, pas de la face). L’éclairage le plus marquant trace un double cercle côté cour, qui correspond aux axes et diamètre de rotation des deux « aiguilles ». De manière évocatrice, les plans de feux regroupent les projecteurs concernés sous le nom de « Tour horloge ».
Le temps du spectacle fonctionne de manière cyclique, il n’avance pas, de même que le texte n’obéit pas à une progression linéaire. L’angoisse liée au temps prend la forme d’une parodie saccadée et cyclique sur fond de critique sociale. Alors que l’un des interprètes vient de s’exprimer sur la tournette de la petite aiguille, elle-même en train de tourner autour de son axe dans le double cercle de projecteur, un autre prend la parole :
Les personnages sont affublés d’un petit calepin à spirale pour retenir ce temps et expriment leurs émotions en tournant sur eux-mêmes. Un projet culturel audacieux et diablement populaire, d’autant plus irrésistible qu’il répond aux anxiétés populaires : « je tourne sur moi-même. »[16]
Une scénographie lumineuse
Bien que le montage des agrès construise une géométrie fixe, la structure en tant que telle n’est pas forcément le facteur dominant de l’organisation de l’espace. Elle n’agit qu’en lien avec les autres éléments du spectacle, qui peuvent la supplanter ou la faire disparaître.
La scène de Human est un espace sans cesse composé et recomposé par la lumière et le positionnement des interprètes. À la parole éclatée et aux jeux phoniques lancés à travers l’espace répond une spatialité fragmentée. Chaque séquence dispose de son découpage lumineux, qui plonge dans l’ombre toute une partie de la scène. Pas d’entrées ou de sorties pour les interprètes : ils sont soit cachés dans l’ombre, soit présents dans le cercle lumineux d’une séquence.
Les plans de feux de Human (articulations II) ont été refaits plusieurs fois, ne serait-ce que dans une même salle. Cependant, tous sont issus d’un plan type et on y distingue les mêmes fonctions attribuées à des ensembles de projecteurs. En plus des projecteurs assurant un éclairage de face, en contre et la mise en lumière du cyclorama, on distingue :
- une quinzaine de projecteurs (PAR ou projecteurs halogènes) pointés vers les agrès et destinés à les mettre en valeur pour certaines scènes particulières (mâts, cadre, aiguille).
- une quinzaine de douches ou découpes, qui produisent les différents cercles de lumière au sol.
- des projecteurs placés de façon latérale et notamment au sol, qui soutiennent la mise en lumière générale.
Il en résulte une multiplicité d’éclairages spécifiques, avec des découpages de zones précises. La variété des séquences est pour le public une variété graphique et lumineuse, où l’on saute brusquement d’un éclairage à l’autre. La scénographie épurée se pense comme un espace en partie vide, avec de multiples centralités créées par ces découpages. Loin de se contenter de mettre en valeur une mise en scène, la création lumière constitue ici une dramaturgie spatiale. Elle segmente l’expérience du spectacle en divers cercles lumineux.
La lumière se combine de plusieurs manières avec la structure scénographique proprement dite. Selon les séquences :
- toute la scène est éclairée, de manière plus ou moins uniforme, laissant apparaître l’ensemble de la scénographie. Selon les angles des projecteurs, naissent diverses ombres, sans pour autant créer de profondeur. La logique est celle de l’aplat ou de l’anamorphose. L’espace est organisé et rempli par ces traits noirs sur fond blanc.
- la lumière découpe des espaces très nets, elle crée littéralement des scènes en créant leur espace. Plus que de souligner la scénographie ou de s’en servir, elle la dépasse. C’est le cas lorsque se dessine un large rectangle à hauteur du torse des interprètes, tandis que l’intégralité de la scène est plongée dans un noir où peuvent se dissimuler les artistes. Seules subsistent quelques ombres verticales, partition en deux dimensions, et les visages des interprètes surgissant de l’ombre de même que surgit leur parole. La scénographie est remplacée par une forme de tableau tandis que les mouvements et les gestes s’effectuent dans un rapport spatial avec la lumière, et plus avec les agrès.
- lumière et agrès-scénographie se combinent. Il en va ainsi lors du double tourbillon lumineux auquel correspond le tour des aiguilles, ou lorsque les mâts chinois, éclairés en douche, structurent l’espace en tant que lieu d’activité (source de parole et mouvement) et pilier lumineux.
- éclairant une zone de la scène, la lumière polarise l’attention et l’action, en lien avec le positionnement des interprètes sur scène. Leur regard ou leur déplacement contribuent à créer des centralités. Le texte n’est jamais illustré ou mis en scène dans un sens classique. Il a été écrit en combinaison avec le mouvement des circassiens. L’enjeu de chaque séquence est ainsi une orientation concrète des corps : chaque scène permet à la personne qui prend la parole de disposer d’un espace pour s’exprimer, mis en lumière de manière graphique. Si cette façon de jouer des scènes et de les faire fonctionner paraît tout à fait normale, elle n’en reste pas moins particulièrement accentuée. Les interprètes deviennent des morceaux parlants et animés de cet espace fou.
- les interprètes seuls sont éclairés : le reste de la scène aussi bien que l’agrès auquel il sont suspendu sont plongés dans l’ombre. Il en est ainsi pour les séquences de duo de cadre aérien, où les interprètes flottent dans l’espace noir.
Décentrement de la scénographie
La configuration générale de l’espace a changé entre 2006 et 2019. À Châlons-en-Champagne, Human (articulations II) joue sous chapiteau : la piste circulaire du cirque en dur du CNAC remplace la scène frontale. Le public est réparti tout autour des artistes, sauf derrière le cyclorama – il s’agit donc d’une ouverture aux trois quarts. La structure scénographique conserve néanmoins ses dimensions et l’organisation des séquences demeure, créant des images destinées à un public rassemblé en face du cyclorama[20] – quand bien même des spectateur.trice.s sont désormais situé.e.s sur les côtés et que cette image n’est pas orientée pour eux. Un des facteurs d’organisation visuelle de l’espace est également supprimé de fait : le jeu des ombres sur les murs latéraux n’est plus possible, et l’espace ne dispose plus d’un cadre rectangulaire et anguleux inhérent au lieu.
Cependant, un changement a bien lieu, qui permet d’exploiter la taille de la piste. En 2006, lorsque Human (articulations) a joué à Avignon, l’étroitesse de la scène empêchait la grande aiguille de faire le tour complet du mât. Au CNAC en 2019, l’ensemble de la structure a été volontairement décentré afin que les aiguilles puissent effectuer une rotation complète.
Les plans d’accroche de la scénographie mettent en lumière cet écart : le cadre aérien, fixé presque au milieu du pont reliant les deux mâts chinois d’avant-scène, est décalé de près d’un mètre vers jardin par rapport au centre de la piste (représenté par un point vert). Le diamètre de rotation de la grande aiguille, en orange sur le plan, arrive juste au bord de la piste et de l’aire de jeu (les deux cercles violets) – or c’est précisément ce que permet le décentrement. Un jeu en trois dimensions et une nouvelle occupation de l’espace au sol deviennent possibles : les interprètes peuvent désormais courir tout autour du mât et, plus nombreux, remplir un espace plus large. Le mouvement des aiguilles, soutenu par un éclairage en cercles concentriques, provoquait déjà en 2006 une recomposition de la surface de jeu et une nouvelle centralité. Avec l’élargissement de la piste, le déplacement de l’espace s’accentue. La surface de jeu se dilate autour du triangle de mâts chinois.
Une évolution dramaturgique accompagne cette dilatation. L’étroitesse de la salle ne poussant plus à accentuer la verticalité de la scénographie, il s’agit désormais de se développer dans la largeur, de s’étendre au sol. La parole s’étend de même comme une nappe. Le nombre de cercles lumineux est réduit. Plutôt que de créer une multiplicité de douches lumineuses éclairant divers endroits du plateau et parfois les murs, un grand cercle est privilégié. Celui-ci correspond au diamètre de rotation de la grande « aiguille ». Lors du premier monologue prononcé sur la tournette, deux interprètes se situent sur le côté. Ils prennent la parole après la personne située sur la tournette, et font des gestes pendant son discours. En 2006, les deux interprètes disposaient d’un espace lumineux séparé : une douche devant le mât chinois situé à jardin. En 2019, ils se placent à l’intérieur du cercle des aiguilles, qui a été élargi. Bien plus tard dans le spectacle, une autre douche lumineuse très vive, centrée sur la tournette en milieu de scène, a été remplacée : plutôt qu’une nouvelle découpe de l’espace, réapparaissent les contours du grand cercle que le public a déjà rencontré. Lors du deuxième monologue de la tournette, l’espace était orienté vers un coin en 2006 : diagonale, triangle. En 2019, l’aiguille est pointée vers la face et l’espace a pris une forme plus ronde, celle du grand cercle. À travers ces subtiles modifications du plan de feux, se construit un espace plus unifié et plus large, où le gris domine de manière plus forte.
Rassemblés dans cet espace tantôt isolé par un halo d’obscurité impénétrable, en dehors de toute réalité, tantôt complètement ouvert, sans murs et aussi étrange que vulnérable, les interprètes ne peuvent plus représenter les mêmes anonymes qu’en 2006. Tous sont pris dans un même flux, aux allures parfois plus sombres qu’en 2006, plus déshumanisé. Nous ne pouvons pas suivre des personnages aussi identifiables que lorsque seuls 5 artistes occupaient la scénographie. Ici, les interprètes apparaissent et disparaissent, mettent plus de temps à remplir la scène, créant parfois un effet de masse. Le grand cercle gris crée une forme de continuité cyclique et immobile où les mots se démultiplient en infinies variations absurdes. Nous ne sommes plus uniquement face à quelques êtres humains perdus dans leur cervelle et dans la société, mais face à une population perdue, qui a vécu la crise.
Dynamique d’occupation de l’espace
Cet aménagement de l’espace s’accompagne d’une nouvelle manière d’investir la scénographie. Chaque interprète a droit à un moment de mise en avant pour s’exprimer avec sa propre technique. À la création en 2006, cela signifiait une alternance d’occupation de chaque agrès, le tout s’équilibrant pour composer le spectacle. Lors de la reprise, se développent plutôt différents numéros d’acrobatie, spécifiques aux interprètes et moins reliés à une dynamique d’ensemble. S’aperçoivent diverses manières de bouger. En 2019, le nombre d’interprètes a considérablement augmenté, et les techniques défendues sont plus variées. La simplicité gestuelle de la création ne peut être entièrement respectée : l’ensemble du spectacle est plus complexe et plus fourni en terme de gestes et mouvements. Cependant, cela ne rend pas l’univers scénique plus vivant, mais fait apparaître des solitudes, met en avant des individualités.
Lors de la création de 2006, la scénographie servait d’appui au jeu d’acteur, en combinaison avec les actions physiques. Certaines répliques étaient accompagnées d’un regard vers d’autres interprètes ou vers les agrès, leur donnant pour contexte l’environnement immédiat et concret de la scène. Ces répliques servaient alors de ressort comique et d’instant de complicité avec le public. Lors de la reprise, le présent de la représentation est moins exploité et l’ensemble des répliques apparaît de manière plus abstraite[22]. La piste elle-même est moins ancrée dans le réel : les murs latéraux ayant disparu, seule la lumière et le fond déshumanisé du cyclorama délimitent le cadre de scène.
Fiche spectacle
Titre : Human (articulations)
Date de création : 2006
Lieu de création : Tinel de la Chartreuse, Villeneuve-les-Avignon
Compagnie : Les Hommes Penchés
Texte et mise en scène : Christophe Huysman
Scénographie et conseiller cirque : Gérard Fasoli
Création lumière : Emma Juliard
Régie lumière : Patrice Besombes
Construction du décor : Ernest Clennell/Show-Biz
Travail de la voix : Chantal Jannelle
Production/diffusion : Laure Guazzoni, assistée de Agathe Renaud, Marie Faure/Et bientôt
Avec : Florent Blondeau, Colline Caen, Manu Debuck, Christophe Huysman, Antoine Raimondi, William Valet
Reprise de répertoire
Date de reprise : 2019, sous le titre Human (articulations II)
Lieux de représentation : CNAC, Cirque Historique, Châlons-en-Champagne ; Salle Bernard Turin, Auch
Sous la direction de : Christophe Huysman
Assistants à la mise en scène : Marie Saclet, William Valet
Scénographie : Gérard Fasoli
Création lumière : Eric Fassa
Construction du décor : Ernest Clenell/Show-Biz
Travail de la voix : Chantal Jannelle
Enseignante référente/CNAC : Marie Seclet
Direction technique/CNAC : Marcello Parisse
Régie technique/CNAC : Jonathan Tavan
Installation de la scénographie/CNAC : Eric Michel, Jean-Charles Le Gac
Avec les 14 étudiants de la 32ème promotion du CNAC :
Tia Balacey, Guillaume Blanc, Andres Matéo Castelblanco Suarez, Aris Colangelo, Alberto Diaz Gutierrez, Pablo Fraile Ruiz, Marin Garnier, Cannelle Maire, Florencia Merello Balbontin, Maria Jesus Penjean Puig, Mohamed Rarhib, Vassiliki Rossillion, Ricardo Serrao Mendes, Erwan Tarlet
BIBLIOGRAPHIE ET DOCUMENTS TECHNIQUES
Captations video
Bender Raoul et Christophe Huysman, Human (articulations II), Reprise de répertoire, Captation vidéo du spectacle, CNAC Cirque en dur, Châlons-en-Champagne, CNAC Centre National des Arts du Cirque, mars 2019, 1h10.
laboratoire mobile et Compagnie Les Hommes Penchés, Human (articulations), Captation vidéo de la générale du spectacle au Tinel de la Chartreuse, Villeneuve-lez-Avignon, 2006, 1h.
Texte
Huysman Christophe, Human (articulations II), Clíona Ní Ríordáin (trad.), Publication CNAC, 2019. Edition avec photographies de la reprise de répertoire.
Huysman Christophe, Pièces de cirque, Besançon, Les Solitaires Intempestifs, 2006.
Huysman Christophe et Thomas-Louis Cepitelli, « Human (articulations) », dans Pièces de cirque, sans lieu, Publication CNAC, 2017, p. 129-165.
Articles et entretiens - Human (articulations)
Bordenave Julie, « « Mettre l’humain dans une situation où on va pouvoir l’écouter » ou le vertige du corps », sur Territoires de cirque, juin 2008 (en ligne : https://territoiresdecirque.com/ressources/publications/dossiers-thematiques/quand-les-arts-vivants-font-appel-au-cirque/mettre-l-humain-dans-une-situation-ou-on-va-pouvoir-l-ecouter-ou-le-vertige-des-corps).
Bordenave Julie, « Des circassiens au service d’un propos », sur Territoires de cirque, juin 2008 (en ligne : https://territoiresdecirque.com/ressources/publications/dossiers-thematiques/quand-les-arts-vivants-font-appel-au-cirque/des-circassiens-au-service-d-un-propos).
Bordenave Julie, « Des metteurs en scène », sur Territoires de cirque, juin 2008 (en ligne : https://territoiresdecirque.com/ressources/publications/dossiers-thematiques/quand-les-arts-vivants-font-appel-au-cirque/des-metteurs-en-scene).
Conférence de presse avec P. Brook, A. Vassiliev, Ch. Huysman, J. André..., Avignon (Cloître Saint-Louis), juillet 2006, 1h30 (en ligne : https://www.theatre-contemporain.net/spectacles/Human-Articulations/videos/). Rencontre animée par Pascal Paradou.
Autres références
Goury, « L’espace des possibles », dans Gwénola David, Cirque à l’œuvre : Centre national des arts du cirque, Paris, Textuel et Centre National des Arts du Cirque, 2011.
Documents techniques
Cie Les Hommes Penchés, « Fiche technique », Document technique CNAC, 2019.
Fassa Eric, « Feuille de patch lumière, CIRCA (Auch) », Document technique CNAC, 2019.
Fassa Eric, « Feuille de patch lumière, version de base CNAC », Document technique CNAC, 2019.
Fassa Eric, « Légende plan de feux, CNAC Châlons-en-Champagne », Document technique CNAC, 2019.
Fassa Eric, « Légende plan de feux, pour CIRCA (Auch) », Document technique CNAC, 2019.
Fassa Eric, « Plan de feux, CIRCA (Auch) », Document technique CNAC, 2019.
Fassa Eric, « Plan de feux, CNAC Châlons-en-Champagne », Document technique CNAC, 2019.
Fassa Eric, « Plan de feux, CNAC Châlons-en-Champagne, décentré à cours », Document technique CNAC, 2019.
Fassa Eric, « Plan lumière, CIRCA (Auch), vue en coupe) », Document technique CNAC, 2019.
Fassa Eric, « Plan lumière, CNAC Châlons-en-Champagne, vue en coupe côté est », Document technique CNAC, 2019.
Friess Esther, « Croquis des lumières du spectacle Human, version 2006 », 2020.
« Dossier de présentation Reprise de répertoire 2019, Human (articulations II) », CNAC Centre national des Arts du Cirque, 2019.
« Planning prévisionnel de présence de l’équipe du CNAC à CIRCA (Auch) », Document technique CNAC, 2019.
« Plan avec cote, CNAC Châlons-en-Champagne, vue de dessus », Document technique CNAC, 2018.
« Plan d’accroche, CNAC Châlons-en-Champagne », 2018.
« Plan de la salle, CNAC Châlons-en-Champagne », Document technique CNAC, 2018.
« Plan salle/scénographie, CNAC Châlons-en-Champagne, vue en coupe côté est », Document technique CNAC, 2018.
« Plan salle/scénographie, CNAC Châlons-en-Champagne, vue en coupe “face gymnase” », Document technique CNAC, 2018.
« Plan de feux type », Document technique CNAC, sans date.
[1] laboratoire mobile et Compagnie Les Hommes Penchés, Human (articulations), Captation vidéo de la générale du spectacle au Tinel de la Chartreuse, Villeneuve-lez-Avignon, 2006, 1h
[2] C. Huysman, Pièces de cirque, Besançon, Les Solitaires Intempestifs, 2006, p. 8
[3] Espèces, la pièce de cirque précédente, avait pour scénographie-agrès un trampoline rond : surface rebondissante pour un texte « cardiaque », autour de laquelle s’organise le spectacle.
[4] « Pour Human, on est parti conjointement du texte et de la scénographie : il fallait qu’on trouve ce qui nous rassemblait. […] Pour le coup, j’ai adopté une technique de crise, l’écriture s’est vraiment faite sur le plateau : je n’arrivais pas à déclarer une écriture avant de l’expérimenter avec la technique de cirque. » Propos de Christophe Huysman, in C. Huysman et T.-L. Cepitelli, « Human (articulations) », dans Pièces de cirque, Publication CNAC, 2017, p. 130
[5] J. Bordenave, « Des metteurs en scène », sur Territoires de cirque, juin 2008 (en ligne : https://territoiresdecirque.com/ressources/publications/dossiers-thematiques/quand-les-arts-vivants-font-appel-au-cirque/des-metteurs-en-scene)
[6] Propos de Gérard Fasoli, in C. Huysman et T.-L. Cepitelli, « Human (articulations) », op. cit., p. 130
[7] « Dossier de présentation Reprise de répertoire 2019, Human (articulations II) », CNAC Centre national des Arts du Cirque, 2019
[8] Conférence de presse avec P. Brook, A. Vassiliev, Ch. Huysman, J. André..., Avignon (Cloître Saint-Louis), juillet 2006, 1h30 (en ligne : https://www.theatre-contemporain.net/spectacles/Human-Articulations/videos/)
[9] C. Huysman, Pièces de cirque, op. cit., p. 27
[10] Id.
[11] J. Bordenave, « « Mettre l’humain dans une situation où on va pouvoir l’écouter » ou le vertige du corps », sur Territoires de cirque, juin 2008 (en ligne : https://territoiresdecirque.com/ressources/publications/dossiers-thematiques/quand-les-arts-vivants-font-appel-au-cirque/mettre-l-humain-dans-une-situation-ou-on-va-pouvoir-l-ecouter-ou-le-vertige-des-corps)
[12] J. Bordenave, « Des circassiens au service d’un propos », sur Territoires de cirque, juin 2008 (en ligne : https://territoiresdecirque.com/ressources/publications/dossiers-thematiques/quand-les-arts-vivants-font-appel-au-cirque/des-circassiens-au-service-d-un-propos)
[13] Goury, « L’espace des possibles », dans G. David, Cirque à l’œuvre : Centre national des arts du cirque, Paris, Textuel et Centre National des Arts du Cirque, 2011
[14] R. Bender et C. Huysman, Human (articulations II), Reprise de répertoire, Captation vidéo du spectacle, CNAC Cirque en dur, Châlons-en-Champagne, CNAC Centre National des Arts du Cirque, mars 2019, 1h10
[15] laboratoire mobile et Compagnie Les Hommes Penchés, Human (articulations), op. cit.
[16] C. Huysman, Pièces de cirque, op. cit., p. 22
[17] R. Bender et C. Huysman, Human (articulations II), Reprise de répertoire, op. cit.
[18] laboratoire mobile et Compagnie Les Hommes Penchés, Human (articulations), op. cit.
[19] Id.
[20] Avant même toute occupation de l’espace par les interprètes, un détail de construction indique clairement un soucis du public frontal : le cadre aérien et le mât chinois du fond ne sont pas alignés. Ainsi, vus de face, l’un ne cache pas l’autre.
[21] R. Bender et C. Huysman, Human (articulations II), Reprise de répertoire, op. cit.
[22] La maîtrise des changements de rythme de la parole et du jeu d’acteur de Christophe Huysman, qui situait son œuvre directement entre théâtre et cirque, est par ailleurs plus difficile à maîtriser pour l’équipe de la reprise.
Etude réalisée par Esther Friess